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système des déluges périodiques de M.  Adhémar, théorie fort plausible, fondée sur la précession des équinoxes et l’inégalité des températures des deux pôles. On peut aussi la faire dériver de la variation de l’excentricité de l’écliptique et de l’intensité variable des phénomènes glaciaires aux deux pôles ; système analogue professé par M.  Croll.

Sans contredire la valeur de ces savantes hypothèses et l’influence indéniable que les grands faits astronomiques et cosmiques exercent sur la répartition des terres et des mers et sur le niveau des océans, nous estimons plus rationnel et plus plausible d’attribuer tout simplement en définitive les phénomènes d’érosion et d’affaissement des côtes médocaines aux ondulations de la surface terrestre. Ces phénomènes sont, comme nous l’avons exposé dans nos Préliminaires et pour employer les termes de M.  de Lapparent, ces phénomènes sont la traduction des mouvements de l’écorce terrestre, soumise à des efforts latéraux de compression. Ceux-ci sont développés par la nécessité où est cette écorce de suivre la contraction du noyau igné interne. Ainsi des rides se forment sur les continents et sur les fonds sous-marins. Les phénomènes volcaniques impriment aussi leurs mouvements à ceux-ci comme à ceux-là. Il en résulte forcément des changements dans le niveau des océans et dans la configuration des rivages et par suite, des affaissements, des érosions ou l’inverse suivant les lieux. C’est assurément ce que nous avons eu en Médoc.

Peut-être y a-t-il en encore une autre cause à ce dénivellement du sol, à Soulac plus particulièrement. Ce serait le tassement du terrain et spécialement de cette couche d’argile d’origine alluviale, qui forme le sous-sol du littoral médocain et de presque toute la pointe. On conçoit aisément qu’un tel sédiment puisse se comprimer beaucoup avec le temps, surtout sous le poids d’édifices comme la basilique de Soulac. Cela se passe dans tous les Pays-Bas.

Peut-on mesurer les variations des côtes médocaines ? déterminer la quantité dont elles se sont déplacées ? Non, les éléments manquent pour cela. Même dans le cas où l’envahissement de la mer n’aurait commencé qu’en 580, il n’y a pas de repères qui permettent d’évaluer la quantité de terrain emportée. Les chroniques et documents anciens se bornent à mentionner les faits sans donner aucune indication de temps ni d’espace.

Montaigne, parlant de la terre d’Arsac en Médoc, possédée par son frère, écrit : « Les habitants disent que depuis quelgue temps, la mer se poulse si fort vers eulx, qu’ils ont perdu quatre lieues de terres. » Mais ce depuis quelque temps est bien vague et ne fournit pas de repère précis ; il donne seulement à penser que le phénomène avait augmenté d’intensité depuis un certain nombre d’années.

Un chercheur contemporain évalue à vingt kilomètres la largeur de la zone envahie par l’océan. Ce n’est là qu’une opinion personnelle dont la démonstration scientifique est à faire.