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de Soulac en 1893, nous avons constaté que le dallage primitif de cet édifice est à 1m25 au-dessous du niveau de la haute mer. On sait aussi que le déblaiement de l’église n’a pu être poussé jusqu’à ce même dallage à cause de l’eau qu’on rencontre à peu de distance sous le plancher actuel. Celui-ci a dû être maintenu à 3m20 au-dessus du dallage pour rester à sec. Il est inadmissible que cet état de choses existât lors de la construction de la basilique et que les moines, qui étaient des architectes prévoyants, aient bâti cet édifice sur un terrain inondé au.dessous du niveau des hautes marées.

De plus, les moines exécutèrent à différentes reprises, et notamment au xiiie siècle, des remblais à l’intérieur et à l’extérieur de l’église et du monastère, bien après leur construction, pour se défendre de l’invasion des eaux. Assurément, ces inondations ne pouvaient être produites uniquement, comme l’admet l’abbé Mezuret, par de fortes marées ou des crues de la Gironde, phénomènes accidentels et passagers, dont on se serait aperçu dès le premier établissement de l’église et de la ville. Elles étaient dues à l’affaissement du sol. C’est contre les effets de cet affaissement, effets continus et ressentis bien après l’érection de la basilique, qu’ont été effectués les remblais dont il s’agit.

Baurein dit d’ailleurs de l’église de Soulac : « Celle-ci étoit située sur une hauteur, dont le fond paraissoit ferme et solide. » Aujourd’hui elle est au-dessous du niveau de la haute mer. Le dénivellement du sol est donc évident.

Une des caractéristiques de l’affaissement des côtes, signalée par M. de Lapparent, est la prolongation en mer, sur une certaine distance, de la ligne de thalweg des fleuves, qui forme ainsi une véritable vallée sous-marine. L’existence de cette vallée sous-marine, prolongement exact d’un estuaire fluvial, est une preuve d’affaissement, car cette vallée n’a pu être creusée, ni par le fleuve actuel dont la force d’érosion est annihilée par la mer, ni par les vagues qui nivellent les accidents des côtes au lieu de les augmenter. Il faut donc bien admettre qu’elle est le résultat de l’érosion par le fleuve, à une époque où le niveau de l’embouchure était plus élevé qu’aujourd’hui, et que par suite ce niveau s’est abaissé depuis.

Eh bien ! ne pourrait-on pas appliquer cela à l’estuaire de la Gironde ? Une étude attentive du relief sous-marin à l’embouchure du fleuve, autour de Cordouan et jusqu’au delà du Grand-Banc, ne ferait-elle pas reconnaître l’existence d’une vallée sous-marine, bien caractérisée au moins du côté de Cordouan et continuant assez loin en mer le thalweg de l’estuaire Girondin. Et ne serait-ce pas une preuve de plus en faveur de la dépression qu’a subie le littoral du Médoc ? Sur la même côte, au sud, la fosse de Capbreton, ancienne embouchure de l’Adour, paraît être un exemple frappant de vallée sous-marine.