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si dans ces 35 années, la mer a envahi une certaine portion du littoral, les dunes non encore fixées ont aussi progressé dans l’intérieur des terres et il y a eu une certaine compensation. En adoptant la même hauteur moyenne de 17 mètres, le cube des dunes médocaines serait pour la même époque d’environ 3,477,530,000 mètres cubes. L’avancement annuel moyen des dunes dans l’intérieur des terres serait de 20 mètres environ.


Pour achever cette esquisse de l’état du littoral à la fin du XVIIIe siècle, il faut dire un mot des mœurs de ses habitants. Ceux-ci s’occupaient surtout de l’élève des moutons et de l’exploitation de la résine. Il y avait aussi des forges ; suivant Baurein, le nom du bois du Herreyra (ou Ferreyra, forge en gascon) sis dans la commune de Lesparre, l’indique nettement.

Sans aller aussi loin que de Villers qui semble trouver que de son temps les chevaux errants des dunes étaient plus civilisés que leurs propriétaires, la vérité oblige à dire qu’à la fin du XVIIIe siècle et encore au début du XIXe siècle les habitants du littoral maritime étaient généralement fort grossiers et arriérés de toutes façons. Cela se comprend si l’on songe qu’à cette époque le pays n’avait pour ainsi dire pas de voies de communications, quelques mauvais chemins reliant tout juste les villages principaux entre eux et au chef-lieu ; que la culture agricole était très restreinte, les terrains n’étant guère qu’à l’état de landes rases ou boisées ; que toute navigation avait cessé sur la côte ; que les paysans étaient plus occupés au gemmage des pins et surtout à ta chasse et à la pêche qu’à toute autre culture ou industrie ; que l’instruction n’était pas répandue ; que la contrée avec ses sables envahisseurs et ses marais pestilentiels était peu habitable ; que tout concourait en somme à l’ignorance et à la rudesse des mœurs.

« La récolte des pins, écrit de Villers dans son 3e mémoire (1779), n’exige aucune sorte de culture, n’est exposée à aucun événement des saisons ce qui engage les païsans à s’y donner de prédilection ; ils contractent une vie molle, paresseuse, errante dans les bois et qu’ils préfèrent à cultiver les terres…

» Les Pasteurs dans l’été pour favoriser le pacage des bestiaux mettent le feu partout et causent les plus grands désordres dans un païs où les sécheresses de l’été disposent tout à s’enflammer aisément et à devenir difficile à s’éteindre et surtout à cause de la grande quantité de pins et de matières résineuses qui sont presque l’unique culture actuelle. »

Entre autres, il était une coutume qu’on serait indulgent à ne taxer que de barbare. On promenait la nuit sur la plage, une vache dont une corne et une jambe de devant étaient reliées par une corde. À cette corde était suspendue une lanterne allumée. Le balancement imprimé au falot par la marche de la bête ainsi entravée, faisait prendre ce falot