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boulant, envahissant irrésistiblement champs, maisons et forêts, au milieu d’aveuglants tourbillons de poussière. « Cette immense surface, dît Brémontier, qui pourrait être comparée à celle d’une mer en fureur dont les flots soulevés seraient subitement solidifiais dans le fort d’une tempête, n’offre aux yeux qu’une blancheur qui les blesse, une perspective monotone, un terrain montueux et nu, et enfin un désert effrayant…

» Les dunes ne couvrent pas toujours l’espace qu’elles occupent, tantôt isolées ou contigües, tantôt les unes sur les autres, elles sont encore divisées par chaînes entre lesquelles il se trouve des vallons peu larges, d’une longueur souvent de plusieurs milles sans interruption. Les dunes sont rarement dans le même étal ; leur sommet s’élève ou s’abaisse ; elles se réunissent ou se séparent ; de nouveaux vallons se forment ou se remplissent, et tous ces changements ou ce désordre sont l’effet des vents dont elles forment le jouet. »

Jouannet en dit : « Vues de loin, elles ressemblent à une longue ligne de nuages éclairés par le soleil. Leurs masses, groupées au hasard et découpées comme ces vapeurs mobiles que les vents amoncellent, prêtent à l’illusion. De près, ce sont des rampes sans verdure d’un blanc légèrement jaunâtre, nues et arides. C’est surtout quand on pénètre au milieu des dunes non boisées et qu’on les contemple de leurs plus hauts sommets qu’elles se montrent dans toute leur aridité. »

Certaines lèdes seulement faisaient alors une bien légère diversion à cette monotonie saharienne. Celles qui se trouvaient près de la mer renfermaient ordinairement un peu de végétation. Assez vastes, ne recevant pas beaucoup de sable, elles se garnissaient par places de gourbet, de joncs, de roseaux, de quelques sous-arbrisseaux mêmes que les tempêtes ensablaient d’ailleurs de temps à autre. Par contre, dans les lèdes situées à l’est, aucune plante ne pouvait s’installer. Ces lèdes étaient étroites, resserrées entre de hautes dunes qui s’y éboulaient et les comblaient constamment pour les reformer plus loin ; enfin la plupart étaient remplies d’eau. Ce dernier fait tenait à deux causes. D’abord les eaux des étangs et marais étaient bien plus hautes qu’aujourd’hui. En second lieu et surtout, les eaux de pluie coulaient sans s’arrêter sur les pentes nues des dunes-blanches et venaient se réunir dans les bas-fonds, au lieu d’être retenues comme maintenant par la végétation et par la couverture du sol. Les pêcheurs mettaient du poisson dans ces petits étangs et s’en faisaient d’excellents réservoirs.

Le parcours des dunes n’était pas sans présenter quelques risques. On pouvait s’égarer et rester longtemps sans se retrouver au milieu de ce véritable labyrinthe de collines et de vallées uniformes d’aspect. En cas de grand vent, le sable soulevé en tourbillons aveuglait le voyageur, entravait sa respiration et le désorientait. Enfin dans les lèdes les blouses étaient fréquentes. C’étaient des sortes de fondrières