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porte bateau de poix de 10 muids ; en laquelle canau y aborde une barque de 30 tonneaux ; en laquelle font le scel des agrières et qui en provient desdites salines pour être porté à Bordeaux.

» En front desquels lieux est le pasturage des Cabans appartenant auxdits seigneur et dame qui s’afferme à six vingt livres.

» Ils sont beaucoup gagnés par les sables de la mer. D’ailleurs comme étant un abord propre à toute heure et toute saison, abry et havre pour les navires, lointain et distant de 6 lieues du château et ville de Lesparre, lesdits Saintongeois étrangers et malgré lesdits habitants de Soulac ont dégradé et dégarni de bois ledit lieu qui avoit été autrefois, comme l’on dit, une belle fourest.

» Audit lieu de Cabens, pasturage y avoit anciennement comme il y a encore, mais à cause de la distauce desdits lieux, comme dit est, l’on ne peut y surprendre grand nombre de Saintongeois qui y viennent chasser aux furets emportant leurs pleins sacs de counilles (lapins) et même ceux dudit Soulac, de sorte qu’elle est presque toute dépeuplée de counilles. »

Ce pâturage des Cabens, dont on n’a plus souvenir maintenant, se trouvait dans la plaine des Logis de Grave. La description ci-dessus rapportée l’indique et sur la carte de Belleyme (1786) ce hameau des Logis est dénommé : Logis de Caben.

Les relations entre les deux rives de la Gironde étaient fréquentes. On voit que l’auteur de l’Inventaire se plaint amèrement des déprédations que les Saintongeois commettent sur les bois et sur le gibier. Il renouvelle ses doléances à propos de la pêche. Sur ce point-là ces Saintongeois ne sont pas plus scrupuleux. Du reste, les troubles de l’époque et l’éloignement de Lesparre les favorisent. Le hameau du Royannais a pour origine une colonie venue de la rive opposée. Des sauniers de Marennes vinrent pour exploiter les marais salants du Verdon.

Soulac, les moines et le sire de Lesparre. — Au delà nous retrouvons Soulac que l’Inventaire nous montre bien du côté du fleuve, comme nous l’avons établi plus haut. « Le long de la rivière de Gironde est la courtine de Soulac lieu ancien de pêche de la juridiction de Lesparre, accoutumé par ci-devant d’être toujours affermé… » Le mot courtine signifie ici une « sorte de petit parc formé par des filets tendus sur des piquets », comme le définit Littré. (La pêche de la courtine se faisait jusque vers 1840 dans le bassin d’Arcachon.)

Soulac est en décadence. Le fleuve s’est éloigné d’elle, les vases qu’il recouvrait se sont exhaussées et converties en marais salants et terres ou prés salés, traversés par un chenal qui relie encore le port au fleuve, mais qui tend à s’envaser ; à l’ouest, les sables s’avancent précédant l’Océan lui-même. D’autre part, nous sommes à la fin du XVIe siècle : les inondations de la Gironde, cause des remblais exécutés