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sans doute pas assez profonde. La mer faisait chaque jour des progrès plus considérables ; le rivage reculait peu à peu en même temps que les sables gagnaient toujours. Le danger, inaperçu aux siècles précédents, se manifestait davantage et commençait à frapper l’esprit des populations. Sur la côte de Soulac, la grande forêt de pins, qui appartenait à l’abbaye, venait de disparaître. Voici ce qui en est dit incidemment dans l’Estat des droicts et appartenances du prieuré de Nostre-Dame de Soulac et de son revenu (fin du XVIe siècle) : « Le prieuré de Nostre-Dame de Soulac est situé dans le Médoc joignant la mer vis à vis la tour de Cordouan.

» Les limites du terroir de jurisdiction dudit prieuré se prennent du costé de la mer vers le couchant depuis les grandes montagnes de sable appelées la leudon ausquelles aboutissoit la grande pinède dudit prieuré que la mer a inondée et dont il ne parroist plus que quelque souche jusque à la pointe de Soulac ditte la mer de Soulac tout le long de la coste de la mer l’estendue de deux grandes lieues et demy.

» De la pointe ledit terroir se termine le long du canal de Thales jusque au pont de Thales et du pont en continuant de remonter le dit canal jusque vis à vis des montagnes de sable de la leudon qui vont se adjoindre à la mer au-dessus ou estoit la pinède. Il y a depuis les montagnes de la leudon à Soulac une grande lieue et plus et de Soulac au pont de Thales trois quart de lieue et du pont de Thaïes aux montagnes de la Leudon une lieue. »

Les dunes de la Leudon ou Ludon sont encore connues de nos jours, elles se trouvent au sud et tout près de l’Amélie à la pointe de la Négade. Elles sont indiquées sur la carte des dunes dressée par le service des Ponts et chaussées au commencement de notre siècle. Quant au Pont de Thales (pont de Talais), c’est celui sur lequel la route de Bordeaux au Verdon traverse le chenal de Talais.

En descendant la côte vers le sud nous retrouvons tout de suite après la Leudon l’emplacement de Lilhan, mais ce village est abandonné : « Au lieu de Lilhan en ladite terre, près de la grande coste que les sables toutefois ont couvert et n’y a plus de maisons,… la Paderie de Lilhan, en laquelle paderie n’y a présent que deux feux. Les sables ont tellement couvert tout ledit lieu qu’il n’y a plus d’habitants. » (Inventaire de la sirie de Lesparre.)

La terre de Lilhan fut apportée en dot à Thomas de Montaigne par sa femme Jacquette d’Arsac, héritière de cette seigneurie. Michel de Montaigne écrit dans ses Essais, publiés en 1580 : « En Médoc, le long de la mer, mon frère, sieur d’Arsac, veoid une sienne terre ensepvelie soubs les sables que la mer vomit devant elle ; le faiste d’aucuns bâtiments paroist encore ; ses rentes et domaines se sont eschangez en pascages bien maigres. Les habitants disent que, depuis quelque temps , la mer se poulse si fort vers eulx, qu’ils ont perdu quatre lieues de terre. Ces sables sont ses fourriers et veoyons de grandes