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anse d’Anglemar, parce que le 21 octobre 1452 Talbot y fit aborder la moitié de son armée dont l’autre partie débarquait à Soulac ; un chemin de Lacanau à Carcans est appelé chemin Tallabot encore en mémoire du fameux général ; le nom de Gartenvideau (jardin de Videau) donné à différents lieux-dits est aussi d’origine anglaise, comme celui de Gartieu, Gartiou (garden, jardin).

Forêts, lande. — Le Mont dont il est question dans l’acte de 1556 cité tout à l’heure était une forêt. Il est mentionné dans un autre titre où l’on dit que le seigneur de Lilhan possédait « castellarium de Lilhan et forestam qui dicitur le Mont et totam parochiam de Lilhan. » Mais où était placée cette forêt ? D’après les textes rapportés ci-dessus, il est hors de doute qu’elle se trouvait aux environs de Grayan, Lilhan ou Soulac, où il ne manque pas aujourd’hui encore de bois qui peuvent être regardés comme les restes du Mont en question. Quant à préciser la position de cette forêt, c’est impossible avec d’aussi brèves indications. Elle a disparu, ensevelie par la mer ou les sables, comme du reste le château et le village dont nous n’avons plus de traces aujourd’hui. Lilhan existait encore au XIIIe siècle, puisqu’à cette époque Olivier de Lilhan le comprend dans son acte d’hommage (Manuscrit de Wolfenbüttel).

Cette dénomination de Mont ou Montagne appliquée à un bois situé ordinairement sur une éminence plus ou moins considérable, souvent une dune ancienne, est fréquente en Gascogne comme en Espagne. Les cartes et actes anciens en offrent plusieurs preuves et aujourd’hui encore on rencontre cette appellation dans les communes d’Hourtin, de Carcans et de Lacanau.

À l’ouest et à la place de Montalivet était le bois Bertrand, totalement perdu depuis.

Au reste, sur toute la moitié occidentale du Médoc s’étendaient des bois dont l’ensemble jusqu’au ruisseau de Lacanau, alors déversoir de l’étang actuel, formait la forêt de Lesparre. C’était une partie du Saltus Vasconiae dont nous avons déjà parlé. Cette forêt comprenait tout le terrain couvert aujourd’hui par les dunes, avec la portion envahie par la mer, et les landes jusqu’à Lacanau. Les troncs et souches de chênes, dont plusieurs ont jusqu’à 3m80 de circonférence, qu’on trouve sur les plages mêmes de Montalivet et de St -Nicolas et dans quelques lèdes littorales, en sont des vestiges. Les bois des Petit et Grand Monts (Cne d’Hourtin) et du Mont de Carcans en sont des restes échappés à l’ensevelissement par les dunes modernes. Les essences principales la composant étaient le pin maritime, le chêne tauzin, le chêne vert, le chêne pédoncule. Le bouleau, l’aune et les saules n’y étaient que très secondaires. Elle était exploitée en futaie mais fort irrégulièrement, comme bien on pense. Les pins étaient gemmés. On en tirait beaucoup de résine dont une partie faisait un goudron très estimé pour les navires, comme étant plus gras que beaucoup d’autres.