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clocher ou tour rectangulaire. La porte d’entrée fort large était ouverte dans le mur de la face méridionale. Le monastère était adossé à la façade nord.

La ville de Soulac bâtie aux alentours de l’église avait une assez grande importance : les vieux titres y énumèrent encore 15 à 20 rues et 700 chefs de famille ou caps d’oustau, sujets de l’abbaye de Ste-Croix, en 1389. Il s’y faisait un commerce considérable portant principalement sur les vins de la région, recherchés par les Anglais. De nombreux marais salants y étaient activement exploités depuis, plusieurs siècles. Le port avait un grand mouvement. Cependant, la ville et sa basilique étaient déjà sujettes à des inondations provenant, soit des eaux du sol, soit des crues de la Gironde ; au point que les moines durent, en plein XIIIe siècle, exécuter dans l’église un remblai haut de 3 mètres et que bien des habitants firent de même pour leurs maisons. C’est vers cette époque aussi que s’écroulèrent les voûtes primitives de l’église et sa tour centrale, et que celle-ci fut remplacée par le clocher actuel bâti à l’angle des murailles septentrionales et occidentales. Au XIVe siècle, les religieux durent fermer le portail méridional et ouvrir une porte dans la muraille ouest de la basilique (grand portail actuel) mettant son seuil à 1m au-dessus du sol intérieur déjà surélevé.

Soulac était relié à Lesparre et au reste de la province au moyen de deux chemins. L’un, la passe Castillonnaise, faisait un coude au fort de Castillon et suivait la rive du fleuve sur un cordon littoral argilo-sableux, formé par la Gironde (ce qui démontre même qu’alors le colmatage et l’exhaussement de ces marais fluviaux étaient relativement avancés). L’autre, le chemin du Roi ou de la Reyne, passait par Vensac, Grayan, Lilhan. De Soulac, il fut prolongé plus tard jusqu’au Verdon. Ce chemin qui paraît avoir remplacé la voie romaine la Lébade, tire son nom de ce qu’il fut suivi par Éléonore de Guyenne (1198), puis par les autres rois ou reines d’Angleterre qui se rendaient à Soulac afin de s’y embarquer pour la Grande-Bretagne. Lors d’un de ses voyages, Éléonore, dit la légende, s’arrêta en chemin et se reposa sur une grosse pierre appelée depuis la Peyrereyne (la pierre de la reine). Ce nom s’est conservé et dans le pays l’on désigne ainsi une ou plusieurs bornes qui délimitent les bois et vacants sectionaux de l’Hôpital de Grayan. Nous avons vainement cherché sur le terrain la grosse pierre sur laquelle s’assit Éléonore. Elle n’existe sans doute que dans l’imagination des narrateurs, et le mot Peyrereyne que les cartes portent à 2 kilomètres à l’est de l’Hôpital est une fausse indication. Le chemin de Vensac à Videau et son prolongement de Videau à Soulac représentent à peu près le tracé du chemin de la Reyne. Ce dernier est ainsi mentionné dans un titre de l’an 1356 : « Ex parte itineris vocati de la Reyna per quod tenditur versus Solacum scilicet versus montem… ».

D’autres dénominations locales marquent encore le souvenir de la domination anglaise. Ainsi le Gurp est appelé port des Anglots ou