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milieu de hauts fonds en voie d’exhaussement et de colmatage. On est en droit de conclure par analogie qu’à l’extrême pointe, cette structure se continuait. On avait donc à l’époque romaine, d’un côté un même plateau supportant remplacement du futur Cordouan et Noviomagus sans solution de continuité et destiné à disparaître; de l’autre, les bords vaseux du fleuve destinés à devenir terre ferme, avec l’île d’Antros, séparée du continent par un chenal qui a pu être confondu avec celui dit de Soulac.

Enfin Baurein écrit au sujet de Soulac ; « Les anciens habitants de cette paroisse prétendaient que les terres situées au midi, couchant et nord de cette église, formaient une vaste et fertile plaine, d’un terrain inégal et môle de monticules, de pays plats et de quelques marais. » Cette description contredit selon nous l’hypothèse du chenal de Soulac. La vaste plaine ne comporte pas l’idée d’un chenal unissant le fleuve à la mer, chenal que d’ailleurs on n’aurait pas manqué de mentionner.

Une carte de la Direction de Bordeaux (fermes royales) dressée en 1742 par Nolin, porte un petit hameau du nom d’Andernoz, à la pointe du Verdon, Est-ce une erreur ou un vestige d’Antros?

Après l’île d’Antros, ta rive fluviale se perdait dans de petits golfes et des marais ramifiés jusque dans l’intérieur des terres (Vensac, Queyrac, Lesparre) et au milieu desquels émergeaient quelques (les ou plateaux, notamment celles où devaient se bâtir plus tard Talais, Grayan, St-Vivien, et surtout l’ile de Jupiter, insula Jovis, devenue île de Je ou de Jau, qui renfermait sans doute un temple dédié au maître de l’Olympe. Au delà c’étaient les bastions barbares de Balirac ou Valeyrac (du celtique balir, fortification). Enfin une petite dérivation naturelle du fleuve, au lieu dit aujourd’hui Reysson, venait baigner le port de Condat et la villa Lucaniaca (Lugagnac), chantés par Ausone. De cette baie il reste comme souvenirs le village de Boyentran ou mieux Bayentran (de baie), comme l’écrivent Baurein et les anciens géographes, et le pont de la Calupeyre (de calupe chaloupe) situé sur la route de St -Corbian. Cette dérivation, devenue le marais de Vertheuil, fut desséchée au milieu du XVIIIe siècle. En somme, à l’époque romaine la partie orientale du Bas-Médoc n’était guère qu’une vaste nappe marécageuse toujours inondée, du milieu de laquelle surgissaient quelques îles et plateaux et qui, dans le cours des siècles, s’était transformée en palus, prairies et polders, sillonnés de canaux et de fossés, que nous voyons aujourd’hui.

Intérieur du pays. — Dans l’intérieur du pays, de Noviomagus jusqu’au sud, la majeure partie du territoire était occupée par une vaste forêt de chênes et de pins maritimes, sombre et vénérable massif, dans lequel le druidisme gaulois se réfugiait chassé des villes par le paganisme romain. De tout temps la Gascogne avait été boisée, comme du reste la majeure partie de la Gaule et même de