Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Certains estiment que l’île d’Antros n’était autre que le massif de Cordouan. D’après M. Goudineau, elle renfermait la paroisse de St-Nicolas de Grave avec l’église, la tour et les maisons de Cordouan et formait un large plateau séparé du continent par un chenal dit de Soulac, reliant le fleuve à la mer et passant à l’endroit où est bâti aujourd’hui le hameau des Huttes. Ce n’était d’ailleurs pas une île proprement dite, puisque ce chenal étroit seul l’isolait de la terre ferme ; mais à cause des plages étendues et des vastes marais qui la bornaient, les unes du côté de l’océan, les autres du côté du fleuve, et en raison de l’amplitude océanique (qui est là de 5m) on pouvait croire à une île flottante, et c’est ce qui explique ce nom d’Antros et le passage cité de Pomponius Méla. Il en était d’elle comme des îles de Jau, Grayan, St-Vivien, etc., qui émergeaient au-dessus des marécages du Bas-Médoc.

D’Anville, dans sa Notice de la Gaule place aussi Antros à la pointe du Bas-Médoc, où elle était séparée du continent par le chenal de Soulac, lequel se serait obstrué depuis du côté de la mer, ce qui aurait relié l’île au continent, ainsi que cela s’est fait pour les îles de Jau, Grayan, Macau.

L’abbé Baurein conteste que Cordouan ait été bâti sur l’île d’Antros. Les géographes « qui pour l’ordinaire se copient les uns les autres », remarque-t-il avec justesse et non sans malice, l’affirment gratuitement sans le démontrer, notamment Delurbe, qui le premier l’a avancé et sans preuves ; puisqu’il est établi que c’est la mer qui plus tard a séparé Cordouan du continent, ce ne pouvait être auparavant une île. L’observation mérite d’être retenue et nous croyons avec Baurein qu’Antros et Cordouan étaient distincts. Il est beau- coup plus logique, d’après la description de Pomponius Méla, de placer Antros à l’est de Cordouan, au bord de la Gironde, dans une position analogue à celle des îles similaires de Jau et de Macau, et de laisser le continent se prolonger sans solution de continuité à l’ouest d’Antros pour former le plateau de Cordouan, d’autant plus que Pomponius ne dit pas qu’Antros était à l’embouchure du fleuve, mais bien dans le fleuve même, in eo. Il ne peut donc y avoir de doute.

Quant au chenal de Soulac, son existence ne nous paraît nullement démontrée. Si ce chenal eût existé vraiment, il est plus probable que la mer, au lieu de le combler, l’eût élargi et approfondi, comme ça a toujours été la tendance des courants marins frappant dans l’anse des Huttes. Dans ce cas-là on n’aurait pas dit non plus que Cordouan eût appartenu autrefois au continent, ou du moins l’on aurait mentionné l’existence du chenal.

D’ailleurs, si l’on examine la constitution de la presqu’île médocaine, on voit que du côté de l’océan elle était formée par un terrain uniforme et solide, coupé de cours d’eau en voie d’affaissement et d’érosion par la mer ; du côté de la Gironde, où des alluvions fluviales constituent le sol, par les rives du fleuve et des îles posées au