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se place en première ligne le chêne vert ou yeuse (quercus ilex). Encore n’est-il que disséminé, sauf dans les bois de Soulac et du Verdon, où le sol meilleur que dans les autres dunes lui permet de se développer assez activement et de devenir même envahissant aux dépens du pin maritime. Le Verdon renferme un beau spécimen de cette espèce. Avant d’entrer dans le bourg, sur une dune, à droite de la route qui vient de la gare, on voit un beau chêne vert de proportions larges et harmonieuses. Il paraît bifurqué dès la base ; en réalité, ses deux troncs, mesurant respectivement 2m95 et 1m90 de tour, sont deux branches principales émises par un fût unique primitif, actuellement enseveli dans le sable d’au moins 4m. Sa hauteur au-dessus du sol actuel est de 15m ; la circonférence de sa cime atteint 66m. Son âge est d’environ 150 ans. Il a donc été témoin de l’envahissement du Verdon par les sables et de leur fixation par les soins du « citoyen Brémontier ». En 1879, un ouragan lui cassa une maîtresse branche avec laquelle on fit 65 gros fagots.

Un autre bel yeuse se trouve au Moutchic (forêt domaniale de Lacanau) au haut de la dune sur laquelle est bâtie la maison de l’agent forestier, et devant la maison même. Son fût a une circonférence de 2m65 à hauteur d’homme et une longueur de 5m. La hauteur totale de l’arbre est de 12m, son feuillage couvre une surface circulaire de 45m de tour.

On voit enfin de vieux et beaux chênes verts dans les Monts d’Hourtin et Carcans mélangés à des chênes pédoncules et à des chênes tauzins (q. pedonculala et tozza) non moins beaux au point de vue artistique et qui paraissent leurs contemporains. Tous ces arbres, dont l‘âge est d’environ 150 ou 180 ans, sont les représentants de l’ancienne forêt de Cartignac, lambeau elle-même de l’antique forêt de Lesparre, toutes deux décrites dans de vieilles chroniques dont nous avons précédemment donné des extraits.

Dans les forêts de Soulac et du Verdon, ce même mélange d’yeuses, de pédonculés et de tauzins se retrouve sur les fonds à sol frais qui n’ont pas été recouverts d’une couche de sable trop épaisse. La aussi, ces chênes sont les restes d’anciens bois que nous avons vus figurés sur les anciennes cartes et mentionnés dans les vieux titres, de ces « bois taillis » et « bois de haute fustaye » que divers habitants du pays tenaient à fief, entre Soulac et le Verdon, de l’abbaye de Ste-Croix de Bordeaux. (Terriers de cette abbaye, reconnaissances faites en 1776 et 1779). Les chênes compris notamment entre la voie ferrée du Médoc et le garde-feu du Sémaphore (forêt domaniale de Soulac), près de la dune recouvrant l’ancien prieuré de St-Nicolas de Graves sont les descendants de cette futaie de chênes que signale l’inventaire de la sirie de Lesparre au xvie siècle et que ce titre estimait alors 800 écus. En Médoc, le nom patois du chêne est quace (du latin quercus), et l’on appelle chêne blanc le pédonculé et le rouvre, et chêne noir le tauzin.