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rait contre les flots un véritable brise-mer, prenant son origine à l’extrémité méridionale de la baie, pour aller rejoindre au N. les inébranlables écueils de Saint-Nicolas. En avant de ce rempart, on lança des cubes de bétons du poids de plusieurs tonnes pour former une espèce de talus en pente douce, dont ta longueur est égale à dix fois la hauteur du brise-lames. En outre les clayonnages, menacés par le travail incessant des tarêts, furent peu à peu remplacés par de puissantes digues maçonnées. L’Océan n’a point encore franchi la barrière qu’on lui a posée, et l’on peut espérer désormais qu’il la respectera…

» À la pointe de Grave, la lutte n’a guère été moins vive entre la mer et la volonté de l'homme. Sur la partie du rivage maritime qui s’étend à 2 kil. au S. du cap, quatorze épis, semblables à ceux de l’anse des Huttes, s’avancent dans la mer. À la pointe même l’épi est remplacé par une jetée de 120 mètres de long, composée de blocs artificiels et naturels qu’on a précipités dans les flots du haut des wagons de transport. L’extrémité sous-marine de la jetée se continue au loin sous les eaux par des enlacements de rochers. Telle est cependant la violence des lames que ces rochers, pesant en moyenne 2 tonnes, sont très souvent déplacés par la rencontre du jusant et du flot de marée et sont entraînés en dérive par la direction du large… Irritée de l’obstacle infranchissable que lui oppose le puissant brise-lames de la pointe, la mer s’est acharnée sur la langue de sable qui s’étend en arrière de la jetée. Prenant le rivage à revers, les vagues ont agrandi sans relâche la petite anse du Fort, tournée du côté du fleuve, et de 1844 à 1854, lorsque déjà la plage maritime était à peu prés fixée, celle qui fait face à la Gironde reculade plus de 500 mètres, c’est-à-dire de 50 mètres par an. Encore quelques années et la péninsule amincie était complètement percée, le phare et les autres édifices étaient emportés, et la jetée séparée du continent… Il fallait donc à tout prix fermer le passage à la mer en construisant, à l’anse du Fort, un brise-lames semblable à celui qu’on avait déjà construit à l’anse des Huttes. C’est là ce qu’on a (ait depuis et ce qui permet enfin de faire succéder la période de simple surveillance à la période de lutte qui avait duré déjà vingt années entre l’homme et l’Océan. Les travaux, heureusement complétés, donnent enfin un démenti à la superstition générale qui attribuait aux flots une force irrésistible. »

De 1839 au 31 décembre 1875, il a été dépensé 10 514 625 fr. en travaux de défense à la Pointe de Grave, à Soulac et à l’embouchure du fleuve.

Résurrection de Soulac, déblaiement de l’église. — Nous avons vu que Soulac, le vieux Soulac, envahi par les sables, avait été abandonné par ses derniers habitants vers le milieu du xviiie siècle et qu’en 1744 l’église, à peu près totalement ensevelie, avait été sau-