Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 350 mètres. Au moment des basses mers, l’isthme des Huttes, qui se développe entre l’Océan et les marais salants du Verdon, avait encore 400 mètres de largeur, mais à l’heure du flot cette largeur était réduite à 290 mètres, et quand la tempête fouettait les vagues, celles-ci lançaient leur écume jusqu’au sommet des dunes de l’isthme étroit. Encore 25 années d’une marche aussi rapide, et l’Atlantique rompait enfin la frêle digue de sable que lui oppose le continent ; il s’épanchait dans les marais et transformait en île tout le massif de Grave. La Gironde se réunissait à la mer par une deuxième embouchure. Il fallait au plus tôt prévenir la ruine de toutes les propriétés situées sur la presqu’île ; enfin, chose plus importante encore, il fallait laisser aux navires l’abri précaire que leur offre la rade du Verdon, déjà trop exposée à la violence des vents d’ouest.

» Pour protéger la plage de l’anse, on construisit 13 jetées parallèles, longues de 160 à 180 mètres ; ces épis, composés d’argile compacte, revêtus de pierres solidement agencées, et défendus contre l’assaut des vagues par des fascines et des pieux, résistaient à la fois par leur élasticité et la cohésion de toutes leur parties. Cependant tous les épis n’étaient pas de force à tenir contre la mer pendant les jours d’orage. Une jetée céda, puis une autre ; la construction d’une digue parallèle au rivage de l’anse des Huttes fut décidée.

» Pendant le cours des travaux, les orages et les vagues de marée assiégèrent souvent la digue et la rompirent en plusieurs endroits, mais les ouvriers, luttant avec succès contre les flots, purent fermer les brèches et consolider les parties de la muraille qui s’étaient affaissées. En mars 1847, après cinq années d’un combat sans cesse renouvelé entre la nature et l’homme, la digue longue de 1 100 mètres, était enfin achevée, et semblait interdire désormais aux brisants l’approche des dunes. Déjà les ingénieurs se félicitaient de leur œuvre et croyaient avoir dompté l’Océan, lorsque peu de semaines après l’achèvement complet des travaux, une terrible tempête du S. O. déchaîna toutes les eaux du golfe contre la côte du Médoc ; les derniers épis de l’anse furent balayés comme des fétus, et la plus grande partie de l’énorme digue fut rompue, emportée, anéantie par les flots exaspérés. Pour fermer le passage à la mer, on eut à peine le temps de construire, au fond de la concavité du rivage des Huttes, une espèce de pyramide formée d’énormes blocs en béton pesant chacun plusieurs milliers de kilogrammes. Le musoir aux degrés gigantesques résista solidement aux flots qui l’assaillaient, mais l’océan menaçait de le tourner pour continuer au delà son œuvre d’érosion. La plage de l’anse des Huttes avait reculé de 25 mètres, et, bizarres témoins des envahissements de la mer, deux puits qu’on avait creusés et maçonnés dans le sable des dunes, étaient déchaussés jusqu’à la base et se dressaient comme des tours au bord des flots. Enfin il fut résolu qu’au lieu de construire un simple perré, on élève-