Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des eaux, que… » M. Laval, ingénieur en chef, successeur de Brémontier (vers 1845) soutient la même opinion. Ce système est nettement préconisé par un autre successeur du fameux ingénieur, M. Chambrelent, qui écrivait en 1887 dans sa brochure Les Landes de Gascogne (page 93) : « On finit (…) par arriver à une hauteur telle que le sable ne peut plus monter au delà de la palissade. Cette hauteur est généralement de 8 à 10 mètres ; en ce moment la dune littorale a atteint la hauteur qu’elle doit avoir, les sables ne peuvent plus la franchir avec un talus aussi incliné, et s’arrêtent définitivement devant cette barrière.

» Tant que les vents du large soufflent, ces sables restent sur la plage, arrêtés au pied de la dune nouvelle ; mais dès que les vents opposés se lèvent, ils sont rejetés à la mer qui les prend et les renvoie sans qu’ils puissent désormais marcher vers les terres. »

Tout cela est pure utopie. En effet, après un laps de temps de durée variable, le vent d’ouest aura accumulé les sables en si grande quantité contre la dune qu’ils finiront par la dépasser, ou bien on devra donner à cette dune des hauteurs bien supérieures à 10m et tellement extraordinaires que tout le système en sera renversé. Les vents d’est, bien moins fréquents et intenses que ceux du large, seront sans action sur les nouveaux sables qui s’en trouveront d’ailleurs abrités par la dune même. De plus, les vents d’ouest et la mer creuseront et saperont infailliblement la dune, et d’autant plus qu’elle sera plus élevée et plus dénudée, les nouveaux sables passeront par ses brèches ; si bien qu’en admettant la possibilité de cette dune, il faudrait des travaux énormes et dispendieux pour la maintenir et réparer ses continuelles avaries. Ce système, que l’on peut appeler le système des ingénieurs, n’est donc qu’un rêve irréalisable, et tous ceux qui ont étudié un peu la côte et les dunes de Gascogne l’apprécient ainsi.

C’est du reste, en général, folie pour l’homme que de vouloir contrecarrer la Nature et taire plier ses forces irrésistibles. Comment songer à empêcher l’océan de vomir les sables qu’il arrache à ses pro- fondeurs, comment empêcher le vent de les soulever? Mais si l’homme ne peut maîtriser la puissance de la nature, il a la faculté de la diriger et de la faire servir à ses besoins. De même qu’on ne refoule pas un fleuve, mais qu’on le canalise, en y utilisant son propre courant ; de même qu’on ne suspend point les torrents sur les flancs des montagnes, mais qu’on emploie leurs propres apports à constituer des atterrissements qui annihileront ensuite leur force d’érosion ; ainsi pour les sables de la mer, ne doit-on pas tenter de les repousser, mais bien les accueillir en les rendant inoffensifs. C’est là le principe du type de dune littorale opposé à celui que nous avons décrit tout à l’heure. Dans ce second système, on a une dune dont le talus ouest est en pente douce et planté de gourbet clair, et dont le talus est, laissé nu, a l’inclinaison de la terre croulante. Les sables poussés par le vent remontent doucement ce talus ouest, entre les touffes de gourbet,