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voie et dont il est le débiteur. Bien plus, pour s’attribuer la priorité, il date ainsi son mémoire sur les Dunes imprimé en 1797 : Fait le 25 avril 1790 et remis à l’administration du département de la Gironde le 25 décembre 1790. Dans un autre travail, intitulé Observations et lu à la séance de l’Académie de Bordeaux du 27 germinal an vi (16 avril 179S), il prétend avoir composé son mémoire dès 1776 et mûri son procédé depuis 25 ans ! Mais ces retards de publication sont complètement inexplicables, Brémontier ayant eu tout intérêt à prendre date aussitôt que possible.

Pour plus de sûreté encore, Brémontier se fit, en rusé normand qu’il était, décerner par la municipalité de la Teste, en janvier 1803, un certificat élogieux niant que « qui que ce soit avant le citoyen Brémontier aît fait travailler efficacement à la fixation et à la fertilisation des dunes ». Puis il écrivit aussitôt aux signataires pour les remercier de leur déclaration spontanée. Malheureusement pour le succès de la supercherie, le certificat et la lettre de remerciement sont de la même écriture ! Selon le joli mot de M. Dulignon-Desgranges, les Testerins n’avaient que « contresigné l’autographe de ce bienfaiteur de l’humanité. »

Toutes ces manœuvres réussirent et l’opinion publique regarda Brémontier comme le véritable et le seul inventeur du procédé de fixation des dunes, alors qu’il avait seulement mis à exécution les idées et les projets des autres. En vain quelques-uns de ses contemporains voulurent remettre les choses au point. M. Tassin, secrétaire général de la Préfecture des Landes, rappela les insuccès de 1787 et de 1788, et les mérites des devanciers et collaborateurs de Brémontier. Mais ce dernier protesta, se donna l’auréole de la persécution. On le crut. La commission des dunes, l’Académie de Bordeaux étaient à sa dévotion ; elles le couvrirent de lauriers et s’indignèrent contre ses détracteurs (séance de la commission des dunes du 12 nivôse an xiv — 2 janvier 1806).

Quant à Peychan, auteur du procédé des couvertures de branchages, ses fonctions d’inspecteur sous les ordres du fameux ingénieur l’empêchèrent de parler. Il mourut sans avoir osé revendiquer ses droits, laissant son chef, qui d’abord avait décrié son procédé, s’en attribuer le mérite.

Après la mort de Brémontier, la tradition continua jusqu’à nos jours la réputation usurpée de ce bienfaiteur de l’humanité, qui a eu le tort de ne pas savoir se contenter de sa part légitime de mérite et de gloire déjà très belle. Le corps des Ponts et Chaussées prit d’ailleurs le soin d’entretenir l’illusion de la renommée. Rares ont été jusqu’ici ceux qui ont su la vérité et tenté de la faire connaître.

Achevons cet exposé par ces paroles bien justes et instructives que nous (extrayons d’un mémoire adressé le 6 août 1812 à la Commission des Dunes, par M. Guyet-Laprade, Conservateur des Forêts à Bordeaux, du temps même de Brémontier, et membre de celle Commis-