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Dans une lettre qu’il adresse, le 25 frimaire an xi (16 déc. 1802), à la Société d’Agriculture de la Seine, Brémontier écrit : « D’après un calcul que nous ne croyons pas exagéré, le Gouvernement, qui fournira une somme de 2 350 000fr, retirera en 57 ans, un revenu net de 575 000 francs qui s’accroîtra successivement ; en 60 il sera remboursé de sa première dépense, et en 81 à peu près il jouira plus que complètement des produits de cette entreprise que nous pouvons porter, sans trop d’erreur, à 4 ou 5 millions de revenu. »

Les essais concluants de 1791 avaient démontré la possibilité de la fixation des sables. Brémontier avait su, par ses démarches et ses écrits, convaincre tout le monde et intéresser le public même à l’entreprise qu’il préconisait. Cette persévérance est le beau côté du caractère de Brémontier et constitue le meilleur de sa gloire qu’on ne doit point lui marchander. Il a fait preuve en cela d’un esprit hardi et ouvert aux grandes conceptions. Un tel esprit était nécessaire pour entreprendre et exécuter le boisement de toutes les dunes, malgré leur immense étendue, malgré les difficultés et les préoccupations politiques et sociales du moment.

À la suite du célèbre ingénieur et sous ses auspices, bien des gens travaillaient la question de la fixation des sables. Ainsi fut rédigé, par exemple, le mémoire suivant, revêtu d’une lettre approbative de Brémontier : Projet d’amélioration pour une partie du Ve arrondissement de Bordeaux, présenté au conseil du dit arrondissement le 26 messidor de l’an VIII, par le citoyen Fleury fils aîné, de la Teste, l’un de ses membres (17 juillet 1800). On y lit notamment que le procédé des semis avec couverture est « le plus simple, le plus infaillible et le plus économique » ; que la dépense totale de fixation des dunes ne dépassera pas 4 à 5 millions et que le journal de bois produira 8fr de revenu en résine.

Enfin le triomphe de Brémontier fut de convaincre le gouvernement et d’obtenir les crédits nécessaires pour cette grande œuvre.

Mais, avant de poursuivre cet historique, il convient de préciser le rôle du célèbre ingénieur et de montrer le mal-fondé de sa réputation d’inventeur, sans toutefois porter atteinte à ses mérites. Nous avons dit quels furent les travaux des Ruat, quels furent peut-être ceux des Desbiey, et quelles ont été les études du baron de Villers. Or, il est inadmissible que Brémontier n’ait pas eu connaissance des premiers, dont tout le monde entendit parler en Guienne, où lui-même avait été assez longtemps sous-ingénieur, avant d’y revenir avec le grade supérieur. On peut encore moins douter que les mémoires du baron de Villers ne lui fussent parfaitement connus. N’en est-ce pas d’ailleurs une preuve suffisante que de retrouver dans ses écrits le cadre, les idées et les chiffres de ceux de de Villers, reproduits parfois servilement ! (Delfortrie, Les dunes littorales du golfe de Gascogne ; Dulignon-Desgranges, Les dunes de Gascogne). Et cependant Brémontier garde un silence absolu et bien étrange en vérité sur ceux qui lui ont ouvert la