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FORMATIONS TERTIAIRES.

vent voir de quelle nature sont les preuves dont nous appuyons nos conclusions relativement à la forme, aux caractères et aux habitudes de ces êtres éteints qui ne nous sont connus que par leurs débris fossiles. Après avoir dit comment les cabinets de Paris s’étaient peu à peu remplis d’innombrables fragmens d’animaux inconnus trouvés dans les carrières de gypse de Montmartre, Cuvier décrit la manière dont il procède à la reconstruction de leurs squelettes. Lorsqu’il se fut assuré par degrés que ces restes appartenaient à de nombreuses espèces faisant partie elles-mêmes de genres nombreux : — « Je me trouvai, dit-il, dans le cas d’un homme à qui l’on aurait donné pêle mêle les débris mutilés et incomplets de quelques centaines de squelettes appartenant à vingt sortes d’animaux : il fallait que chaque os allât retrouver celui auquel il devait tenir ; c’était presque une résurrection en petit, et je n’avais pas à ma disposition la trompette toute puissante. Mais les lois immuables prescrites aux êtres vivans y suppléèrent ; et, à la voix de l’anatomie comparée, chaque os, chaque portion d’os reprit sa place. Je n’ai point d’expressions pour peindre le plaisir que j’éprouvais en voyant, à mesure que je découvrais un caractère, toutes les conséquences plus ou moins prévues de ce caractère se développer successivement : les pieds se trouver conformes à ce qu’avaient annoncé les dents ; les dents à ce qu’annonçaient les pieds ; les os des jambes, des cuisses, tous ceux qui devaient réunir ces deux parties extrêmes, se trouver conformés comme on pouvait le juger d’avance ; en un mot, chacune de ces espèces renaître, pour ainsi dire, d’un seul de ses élémens[1]. »

En plaçant ainsi sous les yeux de ses lecteurs la marche de ses découvertes, et la restauration progressive des espèces

  1. Ossemens fossiles, 1812, t. 5 ; introduct. p. 3 et 4.