Dans cette tasse, un peu d’eau, car il est urgent
Que je batte ce soir ma belle faux d’argent… —
Battre sa faux ! pensai-je… un esprit ? c’est étrange…
Je m’approche et je vois, avec deux ailes d’ange,
Avec tunique blanche et rouge ceinturon,
Un beau jeune homme âgé de vingt ans environ,
Qui siégeait au milieu des herbes parfumées ;
Deux chandelles flambant à ses pieds allumées.
— Mon bel ange, bonsoir. — Bonsoir, mon cher. — Pardon
Si je suis brusque, mais enfin dites-moi donc,
Ce que de cette faux vous prétendez là faire.?.
— Faucher de l’herbe, et vous quelle importante affaire,
Vous fait courir ainsi la nuit bel étourneau ?
— Je devrais maintenant être à l’Aigle, à Todtnau,
Je me suis égaré, voilà… mais je ne sache
Vraiment pas que jamais vous ayez eu de vache…
— Des vaches, non, mais l’âne et le bœuf qui jadis,
Sur les pieds de Jésus par le froid engourdis,
Posèrent à Noël leurs naseaux charitables…
Depuis, on leur a fait dans le ciel des étables,
Et vous les y verriez, en y bien regardant,
Qui respirent le frais du soir, en m’attendant ;
C’est moi qui suis chargé d’emplir leur vaste crèche,
Et c’est pourquoi je viens faucher de l’herbe fraîche…
Pour peu que cela puisse enfin vous convenir,
Libre à vous de m’aider… — Je le voyais venir,
Aussi lui répondis-je : — À ce métier servile,
Hélas ! je n’entends rien, car je suis de la ville ;
Là, chacun sait auner, charger et décharger,
Empiler de l’argent, vendre, boire et manger,
Rien de plus ; d’autant mieux que par grandes hottées,
Là, les provisions sont toutes apportées ;
Du beurre, du persil, des raves, des oignons,
Des cerises, des choux, des œufs, des champignons,
Pour de l’argent, l’on trouve enfin tout sur la place :
Le cumin, le café, le sucre et la mélasse…
L’aimez-vous, le café ? — Vous vous moquez, vraiment,
Là-haut, nous n’avalons que l’air du firmament,
Page:Buchon - Poésies allemandes, 1846.djvu/33
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.