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CHAPITRE XVIII

DISSOLUTION DE LA PHILOSOPHIE LOGISTIQUE

234. — L’incorporation des mathématiques à la logique implique deux thèses essentielles. L’une vise la réduction de la matière mathématique à la matière logique : une fois qu’on a constitué un calcul ayant pour objet soit les classes ou, ce qui revient au même, les fonctions propositionnelles, soit les relations considérées uniquement dans la généralité de leur forme, on serait capable de rendre raison de la mathématique proprement dite. L’autre superpose à la logique de la mathématique une métaphysique de la logique : la logique porterait en soi une vertu démonstrative, elle permettrait de conclure « par la force de la forme » ; de telle sorte qu’en ramenant la mathématique à la logique on n’aurait pas seulement fondu ensemble deux disciplines différentes et fait un pas décisif vers l’unité, on aurait encore communiqué aux mathématiques une valeur de vérité qui leur faisait défaut.

Qu’est-il advenu de l’une et de l’autre de ces thèses ? Pour répondre à ces deux questions, il suffira de suivre pas à pas l’examen critique dont la philosophie logistique a été l’objet de la part des logisticiens eux-mêmes. Sans doute l’évolution, ou plus exactement la dissolution, de la logistique a été provoquée en partie par la résistance des philosophes et des mathématiciens, spécialement de M. Henri Poincaré. Mais elle a été surtout suscitée du dedans, par l’infatigable curiosité de M. Russell, par son aptitude admirable à l’invention des formes logiques, par les scrupules plus admirables encore d’un esprit toujours soucieux de perfectionner les instruments du contrôle, nous devrions presque dire de l’inquisition, logistique. Grâce à lui, l’événement a pris une portée qui dépasse telle ou telle interprétation particulière de la logique ou de la mathématique ; il permet de porter un jugement, que l’on peut croire définitif, sur l’idée d’une déduction absolue et universelle.