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dans l’évolution des idées

rapporter la paternité à leur Maître, sans doute pour rendre public l’hommage de leur reconnaissance, et, je ne crois pas les calomnier en ajoutant, avec l’arrière-pensée de lui emprunter une autorité qu’il eût été sacrilège de ne pas reconnaître comme infaillible.

Nous laisserons donc passer les générations, et nous nous arrêterons de préférence à l’époque où, sous l’impulsion d’hommes comme Philolaos qui vint résider à Thèbes vers la fin du ve siècle, et comme, au ive siècle, Archytas de Tarente, l’ami de Platon, se constitue d’une extrémité à l’autre de l’échelle encyclopédique un enseignement régulier de science et de philosophie pythagoriciennes.

Naturellement, pour nous faire comprendre, nous devons en distribuer la matière dans les rubriques auxquelles nous sommes habitués ; mais, il est à peine besoin d’en faire la remarque, ces cadres n’existaient pas pour les Anciens comme ils existent pour nous. L’ensemble devait, au contraire, présenter une apparence d’homogénéité qui en accroissait considérablement la portée ; à partir de quoi vont se définir les courants de pensée qui marquent le rôle du pythagorisme dans l’évolution des idées, et ces courants sont divergents, peut-être parce que l’homogénéité n’était en réalité que de façade.

Le trait original du pythagorisme, dont on ne peut garantir qu’il est le trait primordial, mais qui en tout cas est devenu le trait essentiel, c’est la souveraineté du nombre, entendant par là le nombre entier positif pris à partir de deux — l’unité est conçue à part et n’entre pas dans la série des nombres. Les choses sont des nombres, ou tout au moins se représentent par des nombres. Ces formules classiques caractérisent la conception pythagoricienne du monde et de la vie. Elles ont l’air toutes simples, et pourtant il faut faire attention : pour les Pythagoriciens, le nombre n’était pas seulement ce qu’il est pour nous, le résultat d’une opération arithmétique ; il était aussi quelque chose qui existe en soi, indépendamment de tout exercice de la pensée et qui, sans attache avec le calcul ou même avec le raisonnement, n’en revendiquera pas