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avec une fausse humilité) ; et Pascal se croit en droit de répondre : « Tout ce qui est incompréhensible ne cesse pas d’être, le nombre infini, un espace infini égal au fini. »

Il est vrai que les successeurs immédiats de Pascal, Newton et Leibniz, accomplissent la rationalisation positive de l’infini, qui avait jusque-là paru excéder les forces de l’esprit humain. Néanmoins, au xixe siècle, Renouvier se rencontre qui refuse cette rationalisation, qui édifie une logique et une ontologie sur la base de la « loi du nombre ». Et, comme pour confirmer la thèse pascalienne, Renouvier en conclut, du moins dans l’une des phases de sa longue carrière, la condamnation de l’infini même en Dieu, et par là il contribue à nourrir un courant de retour au polythéisme qui sera une des singularités de l’histoire. Si ce mouvement ne réussit pas par lui-même, du moins voit-on comment il a servi, par exemple chez un disciple fervent de Renouvier tel que William James, à limiter l’horizon de ce qui sera regardé comme rationnel, à donner par suite toute licence pour que s’épanouissent toutes les variétés de l’expérience métaphysique ou religieuse, toutes les fantaisies de l’acousmatique traditionnelle ou surnaturelle.

Ainsi, par une liaison d’idées à coup sûr inattendue, le rôle du pythagorisme dans la marche de la pensée scientifique et philosophique n’est pas terminé. La place même que les plus grands des penseurs contemporains ont réservée à la discussion des arguments de Zénon d’Élée en serait une preuve suffisante.

Resterait à décider si cette influence doit être portée, dans le chapitre des profits et pertes, à la colonne de l’avoir ou du doit.

Et cela suppose qu’on ait soi-même pris parti sur des questions qui mettent en cause la structure de l’esprit humain, sa relation au monde et à Dieu. Nous n’aurons, quant à nous, aucune peine à reconnaître que, si c’est s’entêter dans un dogmatisme étroit que de prendre au sérieux, pour vénérable qu’il soit, le jeu de mots renouvelé des Grecs qui assimilerait l’infinitésimal et l’irrationnel,