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le rôle du pythagorisme

dus au génie de Platon. Il est seulement à retenir que cette dualité de tendances qui a provoqué le schisme entre les Pythagoriciens traverse à son tour la littérature des Dialogues.

Il y a un Platon qui raffine sur les procédés de la mathématique pythagoricienne ; il y a un Platon qui exagèrera l’attitude acousmatique par le recours délibéré aux mythes, non seulement afin d’exposer son système du monde, mais encore afin de consacrer l’autorité de sa politique. De là l’ambiguité de son influence, parallèle à l’ambiguité de l’influence pythagoricienne, et dont le résultat sera fatal à la civilisation hellénique. On parlera encore de Pythagore et de Platon ; mais ce ne seront plus que des prête-noms derrière lesquels s’abriteront les pratiques et les superstitions pour lesquelles les côtes asiatiques de la Méditerranée étaient une patrie d’élection.

Ainsi, au témoignage de Josèphe, ceux qu’on appelle les Esséniens parce qu’ils observaient la loi du silence, menaient un genre de vie conforme aux préceptes de Pythagore. Et d’autre part, sans nous attarder à de pures extravagances comme celles dont Philostrate s’est fait l’écho en racontant la vie surnaturelle et miraculeuse d’Apollonius de Tyane telle qu’Apollonius lui-même décrivait la vie de Pythagore, nous n’avons qu’à reproduire les lignes de M. Rivaud sur Nicomaque de Gérasa, « le plus curieux peut-être des Pythagoriciens platonisants au ier siècle de l’ère chrétienne. Pour cet Arabe dont nous possédons plusieurs écrits mathématiques le nombre est le modèle préexistant à la création dans l’esprit Divin et suivant lequel toutes choses sont construites par Dieu. Entre les nombres, les dix premiers ont une situation privilégiée et ils dérivent d’eux-mêmes d’une dualité, d’une unité primitive, qui sont en Dieu ».

Nous sommes déjà en plein moyen âge, et il faudra revenir de bien loin pour faire à nouveau des mathématiques l’instrument d’une physique véritable. La Renaissance elle-même n’a guère connu et pratiqué le pythagorisme, comme le platonisme d’ailleurs, que sous son aspect mystique. Nous devrons attendre le xviie siècle pour que la