Page:Brunschvicg - Le rôle du pythagorisme dans l'évolution des idées, 1937.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
le rôle du pythagorisme

introduit en un monde de correspondances qui ne se laissent pas enfermer dans les bornes de l’expérience humaine. Si le nombre est à la fois ce qui charme nos yeux et ce qui charme nos oreilles, de telle sorte que les intervalles des astres dans le ciel s’apparentent aux intervalles des sons dans l’octave, comment les laisserait-il sans lien les uns avec les autres ? Les dévots de Pythagore n’auront aucune hésitation pour se persuader qu’il y a une harmonie céleste, un concert enchanté, que la faiblesse ordinaire de l’homme ne leur permet pas de percevoir, que le divin Maître a eu le privilège de goûter.

On peut attendre que la hardiesse des spéculations ou, si vous préférez, des imaginations pythagoriciennes, aille se déployer presque sans frein dans le domaine de la cosmologie. C’est à eux que l’on doit le mot même de cosmos, désignant l’arrangement qui préside à l’ensemble des choses, le tout esthétique qu’il constitue. Il serait sans intérêt pour notre objet d’insister sur les détails de leur astronomie, d’autant qu’elle a recueilli amplement l’héritage de cette astrobiologie dont M. René Berthelot a magistralement étudié les origines asiatiques et retracé le développement quasi-universel.

J’ai seulement à relever un trait à la fois original et caractéristique : 10 est le nombre sacré du pythagorisme, invoqué dans la formule du serment qui se prononce par la Tétractys, décade puissante et mystérieuse, source et racine de l’éternité. Et en effet la décade est la somme des nombres élémentaires auxquels tous les termes de la série emprunteront leurs vertus arithmétiques et arithmologiques, propriétés internes et oppositions fondamentales : un qui est la monade, ni paire ni impaire, — deux qui est le premier pair, — trois le premier impair, — quatre le premier carré.

De là cette présomption a priori qu’il doit y avoir dix corps célestes ; et, si en fait nous n’en apercevons que neuf, il faudra en conclure qu’il existe un corps invisible, une antiterre, qui occupe par rapport au feu central une place