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termes, la généralisation d’un fait observé fondée uniquement sur l’absence de tout exemple contraire) ne donne ordinairement que des résultats précaires et douteux. En effet, les expériences ultérieures démontrent tous les jours la fausseté de pareilles généralisations. Cependant ce mode d’induction peut conduire à des conclusions suffisantes dans beaucoup de cas. Il serait absurde de dire que les premières généralisations du genre humain, au début de son expérience, telles que celles-ci : la nourriture entretient la vie, le feu brûle, l’eau noie, ne méritaient aucune confiance. Il y a divers degrés d’autorité dans ces primitives inductions non scientifiques[1] ». Dès lors, il est possible de concevoir un « perfectionnement » qui « consiste à corriger par d’autres généralisations ces généralisations grossières ». (Ibid., p. 100.)

L’humanité a ainsi franchi la distance qui paraît séparer l’induction scientifique de l’induction vulgaire. « Ce qui réellement a mis fin à ces inductions insuffisantes, c’est qu’elles sont inconciliables avec des inductions plus solides, scientifiquement établies, relativement aux causes réelles des événements en ce monde ; et ces chimères ou autres semblables règnent encore partout où ces vérités scientifiques n’ont pas pénétré[2] … Cette manière de rectifier une généralisation, par le moyen d’une autre, une généralisation plus étroite par une plus large, que le sens commun suggère, et adopte en pratique, est le type de l’induction scientifique. Tout ce que peut faire l’art, c’est donner à ce procédé l’exactitude et la précision, et l’approprier à toutes les variétés de cas, sans altération sensible dans son principe[3]. »

À mesure que cette évolution se poursuit, les généralisations aventurées comme celles de l’astrologie, s’élimineraient d’elles-mêmes au profit des généralisations que l’épreuve de l’expérience confirme et consolide. Et le succès des conclusions particulières qui sont provoquées par la loi de causalité sert à fortifier le crédit de cette loi : « De toutes les généralisations garanties par l’expérience relatives à la succession ou à la coexistence des phénomènes, celle dont le domaine est le plus étendu est la loi de causalité. Elle est, en universalité, la première en tête de toutes les uniformités observées, et, par conséquent (si les observations qui précèdent sont exactes), la première aussi en certitude. Et si nous considérons, non ce que le genre humain pouvait raisonnablement

  1. Ibid. ; P. II, 99.
  2. III, iv ; P. I., 364.
  3. Ibid. ; P. I, 361.