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salité. Avec lui, la logique inductive prend une importance égale à celle qui, depuis Aristote, était reconnue à la Logique déductive : « En un sens, raisonnement signifie raisonnement syllogistique. En un autre sens, raisonner signifie simplement inférer une assertion d’assertions déjà admises, et, en ce sens, l’induction a autant de titres que les démonstrations de la géométrie à être appelée un raisonnement[1]. »

26. L’induction s’interprète en extension, suivant la tradition empiriste à laquelle Mill se conforme ; c’est-à-dire que l’induction vise à établir une loi générale, qui est tirée des cas particuliers, mais qui en dépasse la portée : « Le principe ou la loi conclus des cas particuliers, la proposition générale dans laquelle s’incorporent les résultats de l’expérience, couvrent beaucoup plus de terrain que les cas particuliers qui en sont la base. Un principe établi par l’expérience est plus que le simple total des observations faites dans tel ou tel nombre de cas individuels : c’est une généralisation basée sur ces cas, et exprimant notre croyance que ce que nous avons trouvé vrai dans ces cas est vrai dans tous les autres cas, en quantité indéfinie, que nous n’avons pas observés et que nous n’observerons jamais[2]. »

Que dans une induction, donc, la conclusion contienne plus qu’il n’est contenu dans les prémisses, c’est ce qui fera, pour la science, la fécondité du procédé ; mais cette fécondité même souligne le paradoxe que l’induction constitue du point de vue de la logique formelle, et auquel s’est heurtée la pensée de l’antiquité grecque. Mill pose le problème sous une forme précise : « Pourquoi un seul exemple suffit-il dans quelques cas pour une induction complète, tandis que dans d’autres cas des myriades de faits concordants, sans une exception connue ou présumée, sont de si peu de valeur pour établir une proposition universelle ? Celui qui peut répondre à cette question en sait plus en logique que le plus savant des anciens, et a résolu le problème de l’induction[3]. »

Avant la découverte et l’exploration de l’Australie, les cygnes qui avaient été observés à travers la succession des générations étaient tous, de mémoire humaine, des cygnes blancs ; pourtant nous n’avions pas le droit d’ériger cette constatation en proposition universelle, et de proclamer la loi : tous les cygnes sont blancs. Au contraire, Davy décompose la

  1. Introduction ; P. I., 3.
  2. II i ; P. I., 185.
  3. III, iii ; P. I., 355.