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CHAPITRE VI


LA DOCTRINE DE JOHN STUART MILL


25. — Pour la solution de ce problème, le xixe siècle dispose de ressources qui manquaient au précédent. De Hume à John Stuart Mill, la physionomie de la science se modifie. Elle cesse d’avoir pour centre unique la mathématique, pour frontière la partie de la physique qui a pu être traitée à l’aide des équations fondamentales de la mécanique. À partir de Lavoisier, chimie et physiologie apportent à la réflexion du philosophe un modèle nouveau de discipline positive. Le meilleur témoignage à rappeler sur ce point, c’est une page, datée de 1822, où Auguste Comte relève chez Condorcet « le préjugé métaphysique… que, hors des mathématiques, il ne peut exister de véritable certitude. Ce préjugé, ajoutait Comte, était naturel à l’époque où tout ce qui était positif se trouvait être du domaine des mathématiques appliquées, et où, par conséquent, tout ce qu’elles n’embrassaient pas était vague et conjectural. Mais depuis la formation de deux grandes sciences positives, la chimie, et la physiologie surtout, dans lesquelles l’analyse mathématique ne joue aucun rôle, et qui n’en sont pas moins reconnues aussi certaines que les autres, un tel préjugé serait absolument inexcusable[1]. »

Les savants avaient fait, en quelque sorte, la moitié du chemin au-devant de l’empirisme. Il appartient à l’empirisme de faire l’autre moitié, en constituant une logique de la connaissance scientifique. Condillac s’était borné, en somme, à reprendre, en les précisant, les idées de Hobbes et de Leibniz, lorsqu’il avait rapproché, pour les éclairer l’une par l’autre, la substitution mathématique et l’équivalence linguistique. John Stuart Mill se préoccupe d’élever sur la base de l’expérience pure un système susceptible de conférer, en toute légitimité de raisonnement, l’universalité aux relations de cau-

  1. Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société, apud Système de politique positive, 2e édit., t.  IV, 1895, Appendice général, p. 143.