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veaux systèmes se sont constitués. Entre eux et les systèmes antérieurs, il s’est opéré non pas une fusion, une subsomption sous un concept générique, mais une coordination grâce à l’établissement de lignes de communication qui ont élargi, qui ont compliqué, le réseau formé par l’ensemble des circuits.

Le choix de ces lignes n’est pas arbitraire : il s’impose de la façon dont s’impose, de par la configuration du sol, la percée d’un massif à travers tel col déterminé. Le calcul des nombres négatifs demeure une discipline artificielle et stérile, à moins qu’elle ne soit reliée au calcul des nombres positifs grâce à l’équation en soi pourtant injustifiable et même incompréhensible : . Cette équation ne peut résulter à aucun degré d’une démonstration apodictique ; elle est introduite dans la science à titre de fait, sans altérer en rien pourtant l’exactitude, en assurant la fécondité, du raisonnement. Et par là s’éclaire de la plus grande lumière la thèse que nous avons à cœur d’établir : la mathématique unit rationalité et objectivité comme des fonctions solidaires et réciproques qui ne peuvent se séparer l’une de l’autre, parce que, contrairement au double rêve du réalisme dogmatique, la rationalité ne peut se transcender dans l’absolu d’une raison, dans la pure évidence, pas plus que l’objectivité dans l’absolu d’un objet, dans l’appréhension immédiate.

271. — En conclusion donc, et à l’encontre de ce que pensait Huxley, la modalité des jugements physiques ne nous apparaîtra nullement différente de la modalité des jugements mathématiques. La physique est, sans doute, incapable de satisfaire la double exigence que posent les règles cartésiennes de l’évidence et de l’énumération. Mais ces règles, aux yeux des mathématiciens contemporains, sont des exigences superfétatoires. Non seulement ils ne se soucient plus d’y satisfaire ; mais elles n’ont fait qu’entraîner la philosophie de la science dans des embarras inextricables et dans des contradictions sans fin. La théorie de la physique rejoindra donc la théorie de la mathématique, dès que celle-ci sera débarrassée du fantôme d’une raison qui serait transcendante au cours de la pensée mathématique. Alors, en effet, l’épistémologie mathématique ne comportera plus une méthodologie susceptible de se traduire en formules extérieures au savoir de la science et valables indépendamment de ce savoir lui-même. De la mathématique, il sera vrai, comme il est vrai de la physique même, que la science ne serait rien si elle prétendait se former indépendamment de l’expérience, se développer en se sépa-