trouve une application positive, les équations de l’algèbre fournissent le moyen de poser, en termes tout à fait clairs et distincts, les problèmes de la cosmologie : la physique devient une promotion de la géométrie ; et, quelle que soit la part faite par Descartes à l’expérience dans la recherche des lois de la nature, les lois devront s’ordonner dans un système qui sera justiciable de la même méthode de démonstration que les propositions d’Euclide. La physique est relevée au niveau de la mathématique ; elle participe au caractère apodictique qui appartient au type parfait du savoir.
Il reste maintenant à savoir si cette place privilégiée qui lui a été assignée au début de l’ère moderne, la physique l’a effectivement conservée. L’effort que nous avons suivi des Principes cartésiens de 1644 aux Principes newtoniens de 1687, et de ceux-ci aux Principes kantiens de 1786, a-t-il réussi à fonder, avant la mise en équation des problèmes mécaniques ou physiques, un système de notions qui ne réclamât pas d’appui extérieur, qui fût doué de cohérence interne et apparût satisfaisant ?
La question prend toute son ampleur et toute sa portée, si nous nous référons à la méthode cartésienne. Ce qui fait de cette méthode un événement capital, l’événement capital de la civilisation moderne, et par quoi Descartes appartient à un autre âge de l’humanité, non seulement qu’Aristote, mais que son presque contemporain Bacon, c’est qu’au lieu de choisir entre l’absolu de la déduction et l’absolu de l’induction, Descartes a intégré à une même méthode les deux processus inverses et complémentaires de l’analyse et de la synthèse. Toute la philosophie positive de la science moderne, la philosophie expérimentale, reposera sur cette connexion de la seconde et de la troisième règles, que laissent également échapper et la logique déductive et la logique inductive.
Mais cette philosophie positive est loin de se dégager avec le cartésianisme, Descartes, nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler, ne se contente pas des deux règles que nous retenons, à l’heure actuelle, comme constituantes du savoir véritable. Il en ajoute deux autres : la première et la quatrième, la règle de l’évidence et la règle de l’énumération. Autrement dit, le circuit de pensée, qui part des données complexes du problème pour aboutir à l’objet synthétiquement reconstitué, n’est pas, selon Descartes, le tout de la science. Le mouvement de l’esprit s’effectue entre deux stations où, grâce à l’intuition immédiate, là d’ordre intellectuel, ici d’ordre sensible, il prendrait contact avec l’absolu.