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où, par Mill lui-même, sont « décrits les trois moments de cette méthode : le premier qui est l’induction directe, le second qui est le raisonnement, le troisième qui est la vérification ». Mais, dans le Traité de Mill qui repose, comme son titre même l’indique, sur la séparation de la Logique « ratiocinative » et de la Logique inductive, la déduction ne saurait être qu’un procédé subsidiaire, introduit seulement à défaut du canon de la recherche expérimentale, « from the proved inapplicability of direct methods of observation and experiment. » L’emploi de ce procédé se justifie seulement par une complication fâcheuse des données, par des circonstances accidentelles et provisoires, le type idéal de logique et de vérité demeurant celui que Mill avait emprunté à la théorie baconienne de l’induction. Au contraire, suivant Huxley, la méthode dite déductive, mais qui est loin de se laisser réduire à ce moment de la synthèse déductive, dont l’analyse régressive (ou inductive) est au contraire une part essentielle, constituerait la méthode normale ; de telle sorte qu’il n’y aurait nulle part à envisager une rupture de continuité dans le système du savoir : « Les méthodes sont identiques dans toutes les sciences, et ce qui est vrai de la méthode physiologique l’est aussi de la méthode physique ou mathématique. » (Ibid., p. 110.) Les différences apparentes dans les procédés effectivement mis en usage par la biologie ou la mathématique tiendraient seulement aux degrés divers d’avancement où est parvenue chacune de ces disciplines : « Le mathématicien ne s’occupe que de deux propriétés des objets : le nombre et l’étendue, et toutes les propositions générales dont il se sert ont été formées et complétées il y a longtemps. Aujourd’hui il n’y a plus qu’à déduire et à vérifier. Le biologiste s’occupe d’un très grand nombre de propriétés différentes des objets, et il n’arrivera pas, je le crains, à compléter ses propositions générales avant bien longtemps ; mais quand il les aura complétées, il procédera par déduction comme le mathématicien, et sa science sera exacte comme les mathématiques mêmes. » (P. 122.)

268. — En quoi ces remarques de Huxley nous serviront-elles pour mettre au point la théorie de la physique ? Le problème est de déterminer quelles différences peuvent subsister entre les diverses disciplines de la science, malgré l’identité fondamentale des méthodes pratiquées, identité par laquelle s’explique l’unité de l’esprit scientifique dans la pensée moderne. Les deux termes mis en présence par Huxley sont la biologie et les mathématiques. Or, nous devons laisser