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CHAPITRE XLIX


LA CONNEXION CAUSALE


229. — La constitution de l’histoire, en tant que champ temporel, s’apparente à la constitution du champ spatial. Cela ne signifie nullement, selon nous, qu’il y ait une représentation d’un temps homogène et vide qui fasse pendant à la représentation d’un espace, lui-même homogène et vide ; cela signifie qu’un même processus intellectuel tisse avec les données de l’expérience la double étoffe solidaire de l’espace et du temps. Il n’y a pas d’espace avant le phénomène et, une fois que les points de coïncidence avec les faits expérimentaux ont permis de dresser la figure de l’espace réel, il n’y a plus lieu d’imaginer une substance matérielle, atome ou éther, qui s’ajouterait à cet espace déjà rempli.

De même, il n’y a pas de temps avant les événements ; l’existence du temps n’est autre que sa contexture, fondée sur les relations causales que la pensée établit entre les événements. Et alors la question se pose à nous : Peut-on dire que la notion de cause se ferme en quelque sorte sur la notion de temps, de la façon dont nous avons conclu que la notion de matière se ferme sur la notion d’espace ? Ou bien, puisque nous nous appuyons sur les lois causales pour parvenir à la réalité du temps, ne peut-on soutenir que l’existence des lois est indépendante de leur application à tel ou tel cas déterminé, à telle ou telle donnée particulière ? Il est remarquable que cette dernière alternative soit celle à laquelle s’arrêtait Cournot, alors même qu’il insistait sur l’importance de la donnée historique dans les sciences qu’il appelait cosmologiques, telles que l’astronomie et la géologie : « L’objet des sciences cosmologiques est une description des faits actuels, considérés comme le résultat de faits antérieurs, qui se sont produits successivement les uns les autres, et qu’on explique les uns par les autres, en remontant ainsi jusqu’à des faits pris pour points de départ, qu’il faut admettre sans explication, faute de connaître les faits antérieurs qui les expliqueraient. » Au contraire, « la physique proprement dite, dans ses branches si multiples, la chimie, la cristallogra-