Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/523

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de celles qui mettent en jeu toute la structure de l’entendement. Dire qu’un événement est premier, c’est dire qu’il est dépourvu d’antécédent temporel qui en prépare et qui en explique l’apparition : il sera un commencement absolu, c’est-à-dire que pour lui ne sera pas valable la loi de continuité temporelle et de connexion causale qui avait été, jusqu’à lui, admise comme le fondement de toute liaison dans l’étendue ou dans la durée, et grâce à laquelle, d’ailleurs, on avait posé l’événement considéré maintenant comme initial. Or, de toute évidence, si la loi de liaison peut être niée à ce moment, c’est qu’à tout moment elle était dépourvue, de base légitime ; et tout motif intelligible disparaît d’affirmer que cet événement auquel on avait cru parvenir, soit arrivé.

Donc de deux choses l’une : ou bien, pour conserver une ombre de consistance au dogmatisme du fini, il faut accepter les conséquences inhérentes à l’irrationalité de la contingence renouviériste, c’est-à-dire professer une sorte de monadisme empirique, où le monde spatial se réduirait aux visions hallucinatoires d’une conscience individuelle, comme le monde temporel naîtrait, par subite éclosion, le jour où cette conscience acquiert le sentiment de sa propre existence ; ou bien on est contraint de reconnaître que le support de l’existence universelle, c’est la Gesetzmässigkeit, grâce à laquelle espace et temps apparaissent remplis de réalité. Si, en quelque point que ce soit, fût-ce dans les espaces imaginaires, à quelque moment que ce soit, fût-ce avant le geste originel d’un Créateur, il peut y avoir rupture dans la chaîne intellectuelle des événements, on laisse une ouverture pour la Gesetzlosigkeit, et tout s’effondre à la fois : ce qui est ici comme ce qui serait là-bas, ce qui est le présent comme ce qui serait le passé, comme ce qui pourra être l’avenir.

La thèse du fini ne saurait être retenue ; ce qui n’implique nullement, à nos yeux, ou la vérité de l’antithèse de l’infini, ou même l’existence d’antinomies insolubles. Il convient, en effet, de se demander si les antinomies dont le temps a été l’occasion sont véritablement inhérentes au temps comme tel, si elles ne sont pas liées à la considération d’un temps qui serait le pendant, le décalque, non pas à proprement parler de l’espace, mais plutôt d’un type particulier de représentation, emprunté à l’espace euclidien.

225. — À ses premières antinomies, Kant donne le nom d’antinomies mathématiques. Il commence par considérer l’espace et le temps, sous l’aspect de dimensions indéterminées que retiennent la géométrie ou l’arithmétique. Il cherche