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première des antinomies cosmologiques, selon l’esprit même de l’idéalisme critique[1]. Déjà, et comme le signale M. Weyl[2], Clifford exprimait « avec une précision remarquable », en 1875, la possibilité, grâce à la théorie de la courbure de l’espace, de décrire matière et mouvement exclusivement en termes d’étendue. Cette possibilité se transformait en réalité avec la théorie einsteinienne de la gravitation.

De même que le perfectionnement de l’appareil logique avait donné à Euclide de moyen de découvrir quelle lacune s’opposait à l’achèvement de l’édifice, de délimiter même, par son postulat, l’emplacement où devaient, quelque vingt siècles plus tard, s’élever les systèmes non euclidiens, de même le progrès des connaissances astronomiques aboutissait à marquer, dans l’observation des anomalies de Mercure, le point d’accrochage pour une théorie nouvelle qui aura eu ce résultat merveilleux d’avoir dissipé d’un seul coup les inquiétudes d’ordre si divers qui étaient provoquées, d’un côté par la résistance de Mercure à la loi newtonienne, de l’autre par la contradiction inhérente à la représentation de l’espace comme un tout donné. Or, les équations de la théorie de la relativité généralisée conduisent à envisager l’hypothèse de l’Univers fini ; car « elles permettent de montrer que la réduction totale de l’inertie à l’action réciproque entre les masses, — comme l’a demandé par exemple E. Mach, — n’est possible que si l’univers est fini[3] ».

218. — Bien entendu, et quelle que soit la valeur conférée à la théorie de la relativité par son accord avec les résultats de l’expérience la plus minutieuse, il ne saurait être question d’intégrer à la partie positive de la théorie la conception d’un univers à la fois illimité et fini. À cette conception demeure attaché le caractère d’aventure qui est impliqué dans tout procédé d’extrapolation. Mais il n’est nullement indifférent que l’extension de l’effort imaginatif, réclamée par l’hypothèse cosmique, s’accomplisse d’une façon homogène au travail d’in-

  1. Cf. De la méthode dans la philosophie de l’esprit, (1901) apud l’Idéalisme contemporain, 2e éd., 1921, p. 78 : « On ne peut pas dire de l’univers qu’il est fini, car il est impossible non seulement d’en achever la synthèse en atteignant la limite dernière, mais de concevoir cette limite, point de contact entre l’être et le néant ; encore moins peut-on dire qu’il est infini, au sens positif du mot, car ce serait une autre façon d’en achever la synthèse en le ramenant, comme fait la métaphysique matérialiste, à l’unité d’une loi, telle que la loi de la conservation de l’énergie, et en conférant à cette loi une valeur absolue, capable d’expliquer la génération perpétuelle des phénomènes. »
  2. Temps, Espace, Matière, § 16, trad. citée p. 111. Voir aussi le chapitre XIII, de Siallo, la Matière et la Physique moderne, p. 161 et suiv.
  3. Einstein, La Géométrie et l’Expérience, trad. Solovine, 1921, p. 11.