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ayons à égarer notre réflexion hors de son objet propre qui est notre action elle-même, ni à chercher de vérification ailleurs que dans le sentiment même de la conscience. La faculté de réflexion « n’est autre que le pouvoir de commencer et d’exécuter librement, une action ou une série d’actions. Or, un tel pouvoir se vérifie immédiatement par cela même qu’il s’exerce, et il ne s’exerce qu’autant qu’il est ou peut être aetuellement vérifié par la conscience ». (N., I, 91.)

13. — L’expérience de la causalité se manifeste ainsi comme la conscience d’une action volontaire. Et pour recueillir avec précision l’enseignement de la conscience, il faudra commencer par en relever les signes extérieurs, suivant la recommandation tant de fois formulée par les Idéologues : c’est sur les seuls signes physiologiques « que peut ici s’appuyer l’analyse, puisque toute action de la volonté est vraiment indivisible et instantanée dans le fait du sens intime. En considérant donc cette action sous le rapport physiologique, j’y distingue deux éléments ou instants dans lesquels elle s’accomplit. Au premier correspond la simple détermination motrice ou le débandement du ressort central sur les nerfs. Seulement, cette partie de l’action, ainsi bornée au système nerveux, ne paraît pas devoir emporter avec elle une perception interne particulière ; mais en supposant qu’il y eût une telle perception et qu’elle ne fût pas nécessairement confondue avec celle de la résistance ou l’inertie du muscle contracté qui raccompagne ou la suit immédiatement, on ne pourrait y rattacher encore le signe symbolique de l’individualité ou du moi, qui ne peut commencer à se connaître ou à exister pour lui-même qu’en tant qu’il peut se distinguer, comme sujet de l’effort, d’un terme qui résiste… Au second instant correspond ce qui se passe dans le système moteur, depuis l’instant où le muscle se contracte, jusqu’à ce que l’effet de la contraction soit transmis ou rapporté au centre, où la sensation musculaire prend alors ce caractère de redoublement qui constitue l’aperception interne de l’effort, inséparable d’une résistance, ou l’aperception interne du moi qui se connaît en se distinguant du terme résistant. » (N., I, 212.)

Texte décisif à tous égards : on voit que Maine de Biran ne fait aucun fond sur un sentiment qui se produirait dans la conscience, naissant de la seule détermination volontaire, indépendamment de tout effort musculaire, sensation d’innervation, comme on dira plus tard. Malebranche en dénonçait le caractère confus et obscur ; Maine de Biran paraît