Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE XVII

Représentation et Jugement.




CHAPITRE XLIV


LE DOUBLE ÉCHEC DU RÉALISME


201. — Une notice consacrée par le physicien Paul Janet à Lucien Poincaré contient une remarque particulièrement frappante : Lucien Poincaré, nous dit son biographe, « suivait avec intérêt cette évolution moderne des savants qui, comme il le disait, font aujourd’hui de la Métaphysique par méfiance de la Mécanique, après avoir voulu tout baser sur la Mécanique par crainte de la Métaphysique[1] ». Et, bien entendu, le retour à la métaphysique ne signifie rien qui soit contraire à la tradition scientifique, je ne dis pas du xviie siècle, mais du xviiie siècle. « À proprement parler, écrit d’Alembert, il n’y a point de science qui n’ait sa Métaphysique, si on entend par ce mot les principes généraux sur lesquels une science est appuyée, et qui sont comme le germe des vérités de détail qu’elle renferme et qu’elle expose ; principes d’où il faut partir pour découvrir de nouvelles vérités, ou auxquels il est nécessaire de remonter pour mettre au creuset les vérités qu’on croit découvrir[2]. » Et quand Lazare Carnot publie, en 1797, ses Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, où il s’efforce de justifier ce calcul par l’artifice technique et déjà « pragmatique » des erreurs compensées[3], c’est avec l’intention de débarrasser l’analyse due à

  1. Association amicale de secours de l’École Normale Supérieure, Année 1921, p. 114.
  2. Éclaircissements sur les Éléments de philosophie, § XV, Mélanges de Littérature, d’Histoire et de Philosophie, t. V, Amsterdam, 1767, p. 255.
  3. Les Étapes de la Philosophie mathématique, § 146, p. 248.