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À l’entendre ainsi, la théorie de la relativité ne présenterait, selon nous du moins, ni d’antinomie pour la raison, ni même de paradoxe pour le bon sens. Si quelques-uns de ses critiques et même de ses commentateurs y ont rencontré des insolubilia, nous serions disposés à croire, pour notre part, que cela tient surtout à des malentendus de langage. Par exemple, M. Einstein a posé comme un « principe » la constance de la vitesse de la lumière[1]. Mais l’expression de principe ne saurait avoir, dans la conception relativiste, le sens que lui conféraient ou la physique des forces centrales, avec Laplace et Poisson, ou la « physique des principes » avec Mach et Poincaré ; car la physique de la relativité repousse également et l’absolu réel de l’ontologie newtonienne, et l’absolu formel du conventionalisme a priori. Ce que l’on désigne ici par principe, ce n’est autre chose que le fait expérimental, en tant qu’il est pris pour point de départ d’une interprétation théorique. Et certes il était difficile d’espérer que la doctrine de la relativité bénéficiât immédiatement de ce progrès de sagesse spéculative qui était pourtant sa raison d’être, et qui en sera forcément la conséquence. Le principe de la constance de la vitesse de la lumière a été entendu d’abord dans l’ancien sens du mot, comme si un fait expérimental pouvait être un absolu ; par une contradiction qui n’était pas dans les idées, mais qui était dans les mots, la vitesse finie de la lumière fut assimilée à un absolu véritable, témoin ce curieux incident de polémique qui éclaire, semble-t-il, d’un jour significatif la confusion initiale. Lorsque M. Einstein fut amené, par le développement de la théorie de la relativité, à rejeter la constance de la vitesse de la lumière, ce développement, qui rend la doctrine plus claire et plus solide, a commencé par être interprété, d’une façon littérale, tout au moins, comme un échec de la conception initiale, M. Max Abraham n’écrivait-il pas en 1914 : « L’hypothèse… — dépendance de la vitesse de la lumière à l’égard du potentiel de gravitation — a été posée (1911)


    cette même page) que la lumière se propage avec la même vitesse dans toutes les directions pour tous les systèmes de référence revient à dire que dans chacun de ces systèmes la correspondance des temps en des points différents, la synchronisation des horloges, est réalisée au moyen de signaux lumineux ou électromagnétiques (ondes de télégraphie sans fil) qui se propagent avec une vitesse finie, celle de la lumière. Le temps utilisé par chacun des groupes d’observateurs est ainsi le temps optique ou électromagnétique, et la vitesse de la lumière qui intervient dans la définition même du temps, joue par là même un rôle particulier qui explique son introduction dans les formules des transformations… permettant de passer d’un système de référence à un autre. »

  1. Zur Elektrodynamik der bewegten Körper, 1905. apud das Relativitätsprinzip, 1913, p. 27.