Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE XIV

La Physique du discontinu.




CHAPITRE XXXVII


LA MÉCANIQUE STATISTIQUE


171. — Pour apprécier exactement la révolution dans la pensée, qu’a entraînée l’application à la physique du calcul des probabilités, il convient de prendre pour base, une fois de plus, le jugement que dictait à Auguste Comte l’interprétation de la science de son temps : « Ou puérile, ou sophistique[1] », voilà ce que lui paraissait devoir être inévitablement l’intervention du calcul des probabilités dans les problèmes de la physique. Puérile si elle se donne pour tâche de retrouver péniblement, moyennant des postulats arbitraires et des artifices analytiques, ce qui avait été déjà mis hors de doute par les procédés ordinaires de la science ou du simple bon sens. Sophistique, si elle s’érige en méthode indépendante, sur laquelle il y aurait lieu de faire fond pour atteindre à des conclusions nouvelles. « C’est, écrit Comte, la notion fondamentale de la probabilité évaluée, qui me semble directement irrationnelle et même sophistique : je la regarde comme essentiellement impropre à régler notre conduite en aucun cas, si ce n’est tout au plus dans les jeux de hasard. Elle nous amènerait habituellement, dans la pratique, à rejeter, comme numériquement invraisemblables, des événements qui vont pourtant s’accomplir[2]. »

Depuis, une révolution de pensée s’est produite, dont la critique doit recueillir l’enseignement : le calcul des probabilités a servi d’instrument pour quelques-unes des plus importantes découvertes que la science positive ait eues à enregistrer dans le domaine physico-chimique.

  1. Cours, 29° Leçon, t. II, 1835, p. 486.
  2. Ibid, 27° Leçon, p. 371, note.