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repoussent en raison inverse du carré de la distance, et qu’ils s’attirent suivant la même loi, lorsque les électricités sont contraires[1] ».

Le renouvellement des études chimiques, à partir de Lavoisier, venait appuyer l’enseignement donné par la statique électro-magnétique. Déjà Voltaire remarquait dans les Lettres philosophiques : « L’attraction domine jusque dans la chimie anglaise[2]. » Le principe est repris par l’ami de Laplace, Berthollet, qui écrit au début de l’Introduction à son Essai de Statique chimique (1805) : « Les puissances qui produisent les phénomènes chimiques sont toutes dérivées de l’attraction mutuelle des molécules des corps à laquelle on a donné le nom d’affinité, pour la distinguer de l’attraction astronomique. Il est probable que l’une et l’autre ne sont qu’une même propriété. »

Enfin, lorsqu’en 1820 Œrsted fit connaître « les Expériences relatives à l’effet du conflit électrique sur l’aiguille aimantée », les recherches qui permirent à Ampère de constituer, presque immédiatement, le premier édifice de l’Électro-dynamique, s’inspirent du même modèle, témoin le préambule du Mémoire sur la Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques, uniquement déduite de l’expérience[3] : « L’époque que les travaux de Newton ont marquée dans l’histoire des Sciences n’est pas seulement celle de la plus importante des découvertes que l’homme ait faites sur les causes des grands phénomènes de la nature, c’est aussi l’époque où l’esprit humain s’est ouvert une nouvelle route dans les sciences qui ont pour objet l’étude de ces phénomènes. Jusqu’alors on en avait presque exclusivement cherché les causes dans l’impulsion d’un fluide inconnu qui entraînait les particules matérielles suivant la direction de ses propres particules, et partout où l’on voyait un mouvement révolutif, on imaginait un tourbillon dans le même sens. Newton nous a appris

  1. Avec un appareil analogue à l’appareil de Coulomb, mais qui avait été conçu par Michell, dès 1768, Henry Cavendish, au cours de ses expériences faites dans les années 1797 et 1798, réussit à mettre en évidence l’attraction des corps pesants et à préciser la mesure de la densité terrestre (Rosenberger, Geschichte der Physik, t. III, 1887, p. 95). Le retentissement des travaux de Cavendish fut tel que M. Crémieu pouvait écrire, en 1907, dans une étude sur le Problème de la Gravitation (Revue générale des Sciences, 15 janvier p. 7, col. A) : « Les expériences de Cavendish, qui firent, en 1798, toucher du doigt l’existence de la force attractive, contribuèrent puissamment à créer un état d’esprit nouveau. Il en résulte qu’à l’heure actuelle la notion d’attraction à distance est devenue primordiale et domine toute préoccupation de chercher comment une attraction peut se faire sentir à distance. »
  2. Ed. Lanson, t. II, p. 2.
  3. Collection citée de Mémoires, t. III, 1887, p. 1.