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LIVRE XIII

La Diversité des interprétations
mécaniques




CHAPITRE XXXIII


LA PHYSIQUE DES FORCES CENTRALES


151. — La carrière scientifique de Laplace répond à la carrière philosophique de Kant. L’un des buts essentiels que Kant s’y était assignés, c’avait été de fournir à la cosmologie newtonienne les appuis qu’elle réclamait encore, soit en démontrant la valeur apodictique des principes, soit en rendant concevables les origines du système solaire, soit en descendant, comme il se le proposait dans l’ouvrage qu’il laissa inachevé, sur le terrain de la physique terrestre.

Ce même but, on peut dire que Laplace se l’est proposé. Seulement il ne songe point à passer par le détour d’une élaboration proprement philosophique. Il demeure sur le terrain de la science positive, se contentant d’enregistrer et de coordonner les résultats obtenus par l’expérience et par le calcul. De ce point de vue, la Mécanique céleste, où les contemporains voyaient comme l’Almageste du xviiie siècle, leur apporte une certitude telle qu’à leurs yeux elle clôt définitivement les controverses soulevées par l’application de la formule newtonienne de la gravitation au détail des phénomènes, en particulier à la théorie de la lune. Enregistrons à cet égard le témoignage de Joseph Fourier dans un Éloge de Laplace, d’autant moins suspect que, dans la pensée de son auteur, il est surtout destiné à exalter Lagrange. « En général, toutes les fois qu’il s’est élevé quelque doute sur l’exactitude de la loi newtonienne, et que, pour expliquer les irrégularités apparentes, on a proposé l’accession d’une cause étrangère, il est toujours