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CHAPITRE XXIII


LA CAUSALITÉ SELON LEIBNIZ


102. — Pas plus que Spinoza ou Malebranche, Leibniz ne doit à Descartes sa première formation spéculative : « J’ai commencé bien jeune à méditer, écrivait-il à Thomas Burnett de Kemney ; et je n’avais pas encore 15 ans quand je me promenais des journées entières dans un bois pour prendre parti entre Aristote et Démocrite[1].  » Les démarches oscillantes de la première philosophie ne sortent pas des cadres où se tenait la physique des anciens, rajeunie par les formes substantielles de renseignement scolastique, ou par le néo-atomisme de Bacon et de Gassendi. Dans Platon lui-même, ce qui a frappé Leibniz, et devait demeurer dans sa mémoire, c’est moins la méthode de l’analyse mathématique que le développement du classique du Phédon, où est proclamé le primat de la finalité sur le pur mécanisme[2] :

En 1672, Leibniz vient à Paris. Quatre années ne s’étaient pas écoulées qu’il avait jeté les bases de l’algorithme nouveau qui avait pour effet de promouvoir dans le domaine de l’infini l’expression des relations abstraites jusque-là figurées par la géométrie : à la Géométrie de 1637, où était fondée l’algèbre du fini, correspondra la Nova Methodus pro maximis et minimis, de 1684. De même, en 1686, et suivant manifestement la voie que Huygens lui avait ouverte[3], Leibniz publiera dans les Acta Eruditorum de Leipzig un article qui prétend être une réponse aux doctrines des Principia philosophiæ de 1644. Seulement (et le titre l’indique : Brevis demonstratio erroris memorabilis Cartesii et aliorum, circa legem naturalem, secundum quam volunt a Deo eamdem quantitatem motus conservari ; qua et in re mechanica abutuntur) il ne s’agissait plus de démentir des prédictions pessimistes sur la portée de l’esprit

  1. Lettre du 8-18 mai 1697, Édit. Gerhardt des Écrits philosophiques, (que nous désignerons par G.), t. III, 887, p. 205.
  2. Voir en particulier, G., VII, 1890, 333.
  3. Voir dans Kabitz, (die Philosophie des jungen Leibniz (Heidelberg, 1909), le texte où Leibniz résume le mémoire de Huygens sur le choc pour la Société Royale de Londres, publié en 1669 (Appendice, p. 135).