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LIVRE VIII

La Révolution Cartésienne




CHAPITRE XX


LA CAUSALITÉ SELON DESCARTES


88. — Quelques années après la mort de Descartes, parut « Le Monde de Monsieur Descartes, ou Traité de la Lumière », partie d’un ouvrage que Descartes avait renoncé à publier sur le bruit qui lui parvint de la condamnation de Galilée[1]. Le Traité a pour nous cet avantage qu’il montre sous quelle forme directe et forte Descartes eût souhaité avoir la liberté de présenter la science nouvelle. D’un côté, il y a « les Philosophes » ; et de l’autre, il y a, lui, Descartes. Ils ont leur monde ; Descartes a le sien.

La première règle qui gouverne le monde de Descartes est la loi d’inertie : « Chaque partie de la matière, en particulier, continue toujours d’être en un même état, pendant que la rencontre des autres ne la contraint point de le changer ; c’est-à-dire que : si elle a quelque grosseur, elle ne deviendra jamais plus petite, sinon que les autres la divisent ; si elle est ronde ou carrée, elle ne changera jamais cette figure, sans que les autres l’y contraignent ; si elle est arrêtée en quelque lieu, elle n’en partira jamais, que les autres ne l’en chassent ; et si elle a une fois commencé à se mouvoir, elle continuera toujours avec une égale force jusqu’à ce que les autres l’arrêtent ou la retardent. » (A. T., XI, 38.)

Et voici comment Descartes commente ce texte : « Il n’y a personne qui ne croie que cette même règle s’observe dans l’ancien monde, touchant la grosseur, la figure, le repos et mille autres choses semblables ; mais les philosophes en ont

  1. Lettres à Mersenne, de novembre 1633 et de février 1634 (A. T., I, 1897, p. 270 et 281). Cf. Adam, Vie et Œuvres de Descartes 1910, p. 167.