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LIVRE VII

Immanence naturaliste

et Transcendance artificialiste.




CHAPITRE XVI


LE PROBLÈME DE LA CAUSALITÉ
ARISTOTÉLICIENNE


76. — La doctrine aristotélicienne, dans la mesure du moins où nous avons su en reconstituer la genèse, aurait son centre dans l’analyse élémentaire des conditions qui président à la naissance d’une œuvre d’art. Ces conditions se rassemblent et s’unifient, au spectacle de la croissance des plantes et des animaux, de manière à se présenter comme intuition de la nature vivante. Pour Aristote, l’intuition de la nature vivante contient, à son tour, un système laborieusement adapté aux phénomènes de l’univers physique. Et ce système, coupant court aux tentatives d’explication qui attestaient chez Démocrite et chez Platon le pressentiment des méthodes scientifiques, déterminera pendant plus de vingt siècles le cadre où s’enfermera la réflexion des philosophes et des théologiens.

L’ascendant de la doctrine aristotélicienne tient d’abord sans doute à son universalité ; les domaines de l’esthétique et de la biologie, de la cosmologie et de la religion, sont enveloppés tout ensemble dans une même terminologie qui permet de poser et de résoudre les problèmes d’une manière uniforme en apparence. Derrière cette uniformité se cache une satisfaction complète de l’intelligence. L’assimilation de la cause à l’affaire juridique, si ingénieusement mise en lumière par Paul Tannery[1], peut n’avoir pas effleuré la con-

  1. Des Principes de la Science de la Nature chez Aristote, Bibliothèque du Congrès International de Philosophie (de Paris, 1900), t. IV, 1902, p. 216.