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LIVRE VI

Le Système des quatre causes.




CHAPITRE XIV


ESTHÉTIQUE ET BIOLOGIE


67. — L’examen préalable de l’atomisme et du platonisme nous permettra peut-être de replacer dans la perspective de l’histoire la théorie aristotélicienne de la causalité.

Le premier couple de causes, le couple statique, est constitué par la matière et la forme, qui étaient, Aristote le reconnaît, déjà définies par Platon. Seulement Platon s’était, avant tout, efforcé de dégager à l’état pur l’idée de la forme, qui est l’Idée elle-même, et l’idée de la matière qui, aussi bien dans l’ordre intelligible que dans l’ordre réel, se présente comme étant l’anti-Idée. Cette conception, dont on peut dire qu’elle impliquait déjà comme une vision « antinomique » des choses, interdisait à Platon le retour de l’antithèse à la synthèse. Au contraire, chez Aristote, la distinction des termes est faite en vue de leur union. Aristote prend comme point de départ le jugement de prédication, par lequel d’un sujet est affirmée une détermination, par exemple de Callias l’humanité. Or, l’analyse d’un tel jugement donne le moyen, non seulement d’atteindre les deux termes, matière et forme, mais encore de les déterminer par leur propre réciprocité.

D’une part, faisons abstraction de tout ce qui s’affirme d’un objet à titre de prédicat jusqu’aux dimensions qui le limitaient, il ne subsistera rien sinon ce que ces dimensions délimitaient, ce à quoi s’appliquait toute attribution qualitative