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avec toute la netteté désirable avant l’apparition de la philosophie d’Aristote, mais encore on ne peut douter qu’à l’école de Platon il ait été instruit de ce finalisme, dont il revendique pour lui la paternité.

Pourtant une réserve subsiste, qui nous aide à comprendre l’attitude d’Aristote, et qui est, en elle-même, d’une importance capitale. Le finalisme ne doit pas être confondu avec le platonisme. Précisément parce qu’il a souligné l’origine anthropomorphique du finalisme, Platon se refuse à en faire la forme suprême de la vérité, laquelle a pour caractère propre d’être objective et impersonnelle. La physique finaliste, à laquelle il a consacré de longs développements dans le Timée, se présente sous l’aspect d’un récit mythique. Aussi bien le Phédon, encore ici, dissipe-t-il toutes les équivoques. L’opposition du mécanisme et de la finalité, si admirablement mise en lumière par le passage que nous avons reproduit, prélude à la théorie des Idées sous la forme la plus dogmatique (la plus « réaliste » au sens médiéval du mot) que l’on trouve dans les Dialogues. La difficulté à propos de laquelle le Socrate du Phédon avait soulevé le problème de la causalité, — quelle est la cause qui fait que un et un font deux ? — est résolue grâce à l’intervention de l’idée de la Dyade ; ce n’est pas l’opération d’addition qui est cause du nombre deux, car l’unité jointe à l’unité ne saurait être raison de la dualité ; c’est la participation à l’essence éternelle de la dualité, à la Dyade. (101 B.) Et la théorie des Idées ne vaut pas seulement pour les mathématiques ; elle est susceptible d’une extension universelle. C’est le beau en soi qui fait que quelque chose est beau, soit par présence, soit par communication, soit sous quelque autre forme ou par quelque autre moyen. (100 D.) La véritable cause s’applique à l’Être véritable ; c’est pourquoi elle ne peut pas être la finalité, qui se réfère encore à l’ordre du devenir. Le bien, suivant Platon, est non la fin, mais l’un.