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arbitraire, nous étendrons notre enquête au champ le plus vaste de la pensée, à cette potentia infinita cogitandi dont parle Spinoza, mais envisagée, ainsi que l’exige le progrès de la réflexion critique, sous un aspect humain, qui est aussi un aspect temporel. C’est dans le temps, et par le temps, que la pensée physique manifestera tout à la fois sa diversité apparente et son unité radicale. Pour un regard superficiel, l’enquête sur les interprétations de la causalité nous met en présence de doctrines différentes qui sont apparentées, par exemple, à l’empirisme ou au positivisme, au mécanisme ou au dynamisme, et entre lesquelles on pourra choisir à son gré, la liberté de choix caractérisant l’incertitude des opinions philosophiques par contraste avec l’objectivité du savoir scientifique. À nos yeux, c’est là une apparence trompeuse. Nous essaierons de la dissiper, en nous donnant pour tâche de montrer comment les doctrines qui semblent aujourd’hui se disputer la prééminence, sont nées à une certaine époque, conditionnées par un état déterminé des connaissances physiques. Dès lors, à mesure que la culture parvient à des degrés plus avancés, il deviendra possible de dire avec exactitude lesquelles de ces doctrines sont décidément dépassées par le développement de la science et de la réflexion, destinées désormais à n’avoir d’autre raison d’être que la survivance d’une tradition scolastique. Quand on aura réussi à mettre telle ou telle notion particulière de la causalité en relation avec les circonstances d’ordre historique qui en expliquent la genèse et le devenir, on ne sera pas tenté de retenir les diverses conceptions philosophiques, même si maintenant encore elles rencontrent des partisans, comme étant véritablement contemporaines, pas plus que le géologue ne considère différents terrains comme étant également de la formation la plus récente parce qu’ils affleurent aujourd’hui au sol en quelque coin de la planète.

Seulement, de même qu’on ne rendrait pas compte de la