Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le problème que nous aurons à résoudre, c’est donc un problème où les conditions humaines de la connaissance interviendront avec des caractères spécifiques, qu’il est impossible d’éliminer, et dont le développement de la physique aura pour résultat de nous instruire, autant qu’il nous instruit de la nature des choses. On voit par là que le dissentiment n’est pas seulement dans la solution des questions, qu’il est dans leur position même, entre le rationalisme et ses adversaires. Pour ceux-ci, être rationaliste ce serait tenir en main une baguette divinatoire, avec laquelle on se fait fort de découvrir les sources, et de prédire les résultats, du labeur scientifique. Dans ce cas, il ne sera pas malaisé de démontrer que la prétention rationaliste est démentie par les faits. Peine légère, qui est, en outre, une peine perdue. Il est, en effet, douteux que, pour ce qui concerne du moins la causalité, on ait eu effectivement, dans l’histoire véritable de la pensée, affaire à pareille prétention.

En particulier, quand nous arriverons à Kant, nous verrons que c’est à l’occasion de la connexion causale que se manifeste avec le plus de netteté ce qui donne à la critique sa signification originale et profonde : l’impossibilité d’admettre que l’idéalisme transcendantal se suffise à lui-même, la nécessité d’y adjoindre, comme un indispensable complément, un réalisme empirique. Dès lors, et pour autant que la thèse rationaliste est juste, c’est tourner le dos à la bonne méthode philosophique de vouloir, au nom d’un concept a priori de la causalité, prescrire à l’expérience ce qu’elle doit être. Nous aurons, au contraire, à consulter l’expérience telle qu’elle est, lui demandant de nous orienter à travers la diversité des conceptions que les générations successives se sont faites de la causalité. Ce sera l’effort principal du présent travail.

Sans préjuger une définition de la causalité, qui ne ferait, inévitablement, que refléter le parti pris d’une terminologie