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LIVRE IV

Les liaisons de causalité

dans les Sociétés inférieures.




43. — Nous croyons qu’en bonne psychologie et en bonne logique il ne peut rien subsister des théories si laborieusement et si subtilement agencées par Maine de Biran et par John Stuart Mill. Et cependant traverser, au pas lourd d’une critique minutieuse, les régions arides et décevantes de l’empirisme était chose, non seulement utile, mais tout à fait indispensable, pour étudier, selon leur perspective véritable, les rapports de l’expérience et de la causalité. Une leçon, d’une portée décisive à nos yeux, est impliquée dans les tentatives faites, au cours de ce nouveau mais bref moyen âge qu’a été à tant d’égards la première moitié du xixe siècle[1], pour restaurer sur la base de l’empirisme le réalisme de la causalité. En effet, de ce que l’empirisme n’est pas en état de résoudre le problème de la causalité, on tire assez généralement cette conclusion que nous devons renoncer à chercher dans l’expérience la réponse au problème. Or, une telle conclusion excède la portée de la prémisse. La discussion de l’empirisme ne suffirait pour prononcer sur la valeur de l’expérience elle-même que si l’on commençait par accorder à l’empirisme qu’il s’est fait une idée exacte de l’expérience. Et c’est précisément de cette prétention que la Partie précédente nous conduit à faire justice. Le résultat que nous recueillons est paradoxal sans doute ; mais il est d’autant plus instructif. Malebranche passe pour le type du métaphysicien pur, tandis que Hume, Biran, Mill, se réclament de l’expérience. Seulement, dès que derrière les étiquettes consacrées et conventionnelles nous regardons les œuvres, les tournures d’esprit, les procédés de

  1. « Un moyen âge factice, la Restauration », dit excellemment M. Charles Andler, dans l’Introduction de La Jeunesse de Nietzsche jusqu’à la rupture avec Bayreuth, 1921, p. 17.