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AVANT-PROPOS



Nous nous proposons d’établir les rapports entre l’expérience humaine et la causalité physique. Or, ne convient-il pas de partir de l’expérience et de la causalité comme de notions dont l’intelligence est naturelle, que l’on obscurcirait si l’on cherchait d’autres notions pour les expliquer ? C’est dans la réalité des choses que l’idée de la causalité prendra contact avec les faits de l’expérience ; et ainsi le problème pourra se résoudre de lui-même.

Nous avons commencé notre étude par l’examen de cette conception, non sans de longues hésitations. S’il est vrai en effet que le pur empirisme soit ici particulièrement séduisant, les seules œuvres où il ait abouti à une doctrine positive de la causalité sont celles de Maine de Biran et de John Stuart Mill qui, malgré la réputation de leurs auteurs, n’ont eu qu’un crédit éphémère. Nous avions donc à craindre que, dès son début, notre étude critique prît une allure rétrospective et vaine. À la réflexion cependant, nous nous sommes convaincu que, pour dissiper les incertitudes et les équivoques dont les théories de la physique sont demeurées entourées, il était indispensable de rompre l’association, répandue chez les philosophes et surtout chez les savants, entre la nécessité du recours à l’expérience et le système propre de l’empirisme.

Non seulement (nous nous efforcerons du moins de le démontrer) cette association est artificielle et arbitraire ; mais elle a pour contre-partie le préjugé, non moins grave, qu’il n’y aurait pas, en face, de l’empirisme, place pour une philosophie autre qu’un certain rationalisme, caractérisé par