Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tellations zodiacales, l’inclinaison de l’équateur sur l’écliptique restant constante[1]. »

Nous ne croyons pas exagérer, en concluant que la notion de résidus astronomiques n’a aucune signification dans la conception empirique de la science. Sa caractéristique est d’appartenir à une science tout intellectuelle, composée d’équations qui permettent, à l’aide des distances et des masses, de déterminer des mouvements. Il semble que, dans son désir de donner un semblant d’existence au roman de la méthode inductive, Mill a suivi inconsciemment la pratique des avocats et des apologistes : il s’est emparé du mot, ne pouvant avoir la chose.

42. — Manifestement aussi, le résidu chimique est, comme le résidu astronomique, une création de l’esprit, qu’il est impossible d’interpréter dans le cadre étroit de l’empirisme. Le résidu chimique est un excédent de poids, c’est-à-dire le résultat d’une inégalité entre les poids des éléments mesurés avant la transformation et après. Si cette inégalité constitue un phénomène dont il y a lieu de rechercher la cause, c’est uniquement au regard d’une intelligence qui ne se contente pas de saisir la régularité de la succession entre les antécédents et les conséquents, qui affirme entre eux une relation d’un tout autre ordre, échappant même à toute détermination de causalité, car elle consiste à établir l’identité entre les déterminations du poids.

L’exigence rationnelle de cette identité avait inspiré la conception des atomistes anciens ; elle est reprise par Bacon ; elle est formulée par Spinoza sous cette forme énergique : « Si la moindre parcelle de matière pouvait être annihilée, l’univers tout entier s’évanouirait[2]. » Kant la rattache aux conditions permanentes que l’activité inconsciente de l’esprit élabore pour faire de l’expérience un objet de science. L’application de la catégorie de substance aux formes a priori de l’intuition l’amène au « principe de la permanence » dont il donnait cet éclaircissement remarquable : « On demandait à un philosophe : Combien pèse la fumée ? Il répondit : Retranchez du poids du bois brûlé celui de la cendre qui reste, et vous aurez le poids de la fumée. Il supposait donc comme une chose incontestable que, même dans le feu, la

  1. A. Secchi, Les Étoiles, t. I, 1880, p. 23, n. 1.
  2. Lettre IV, à Oldenburg. Édit. Van Vlotén et Land (in-8°), t. II, 1883, p. 11.