Page:Brunschvicg - L'actualité des problèmes platoniciens, 1937.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
l’actualité

II

L’événement décisif pour la carrière et pour la pensée de Platon, c’est le procès dont Socrate fut la victime. Celui qui s’était voué à faire de chacun des citoyens d’Athènes, de chacun des membres de l’humanité, un foyer de réflexion libre, d’action bienfaisante, meurt, condamné par l’incompréhension, par l’ingratitude d’un tribunal populaire. Platon avait alors 28 ans. Noble de naissance, il semblait destiné à jouer un rôle important dans la politique de son pays. Deux de ses oncles, Charmide et Critias, figuraient parmi ceux qu’on appelle les Trente Tyrans et qui se trouvaient maîtres d’Athènes en sa jeunesse. Or, Platon était resté à l’écart. La tyrannie des Trente était une oligarchie ; ayant perdu le respect de la loi, elle ne pouvait être regardée comme une aristocratie véritable. Et, quand la démocratie revint au pouvoir, l’issue démagogique du procès de Socrate devait apporter à Platon la preuve que les partis rivaux souffraient d’une égale déviation à l’égard de leur : propre idéal. Les principes ne sont plus en cause, mais la médiocrité des hommes qui s’en réclament. La dégénérescence des formes politiques a été le premier, comme elle sera le dernier sujet de la méditation platonicienne.

Vingt-cinq ans presque avant la mort de Socrate, Aristophane, dans les Nuées, l’avait produit sur le théâtre ; et justement, cette comédie dont nous avons le texte témoigne de la tactique perfide, naïve, absurde, qui était déjà celle de ceux qui se considèrent comme de bons esprits, et qui se décernent à eux-mêmes l’épithète de bien-pensants. Socrate est mis en scène. Or, Socrate s’était, d’une part, dégagé des controverses stériles, des contradictions éclatantes, auxquelles avait donné lieu, chez les Physiologues, la curiosité des secrets de la nature ; d’autre part, il avait eu à cœur de combattre les Sophistes, qui réclamaient salaire pour enseigner la façon de jongler avec les mots et de tourner la rhétorique au service de l’intérêt. Et voici