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des problèmes platoniciens

stituer à nos risques et périls. Parmi eux un se détache, perpétuel et privilégié, c’est Socrate. Or, nous chercherions vainement à délimiter ce que le disciple emprunte au maître et ce qu’il lui ajoute. Socrate n’a rien écrit ; à son égard, témoignages et interprétations varient du tout au tout.

Ces réserves une fois indiquées, je ne voudrais cependant pas exagérer notre embarras. Je me réfère à une remarque que je relève dans une thèse de premier ordre et qui n’est pas bien vieille — elle à, si je puis ainsi dire, moins deux jours, puisqu’elle doit être soutenue en Sorbonne après-demain — la thèse du R. P. Festugière, Contemplation et vie contemplative selon Platon. L’auteur, après avoir déclaré qu’il a beaucoup lu sur Platon, conclut : « Si les lectures postérieures ont enrichi l’image un peu trop simple qu’on s’était faite au premier jour, elles n’en suppriment pas les contours essentiels. » D’ailleurs, notre Centre Universitaire Méditerranéen aura, dans quelques semaines, la bonne fortune d’entendre M. Robin, qui vient de consacrer à Platon un ouvrage considérable. Avec une admirable maîtrise, mon éminent collègue montre comment les thèmes multiples du platonisme, thèmes d’allure divergente, centrifuge, peuvent être limités chacun pour son compte, coordonnés par une force interne d’attraction qui les rapproche, et constituer ainsi l’ensemble d’une doctrine. Pour moi, dans cette conférence d’introduction, le point de vue auquel je voudrais me placer est inverse. Nous avons prudemment — je ne veux pas dire lâchement — à envisager les problèmes du platonisme en tant que problèmes. C’est à ce titre de problèmes qu’ils ont exercé leur action sur les siècles, qu’ils sont parvenus jusqu’à nous, qu’ils peuvent nous être utiles pour faire ressortir dans toute leur acuité les cas de conscience qui se posent dans notre monde d’aujourd’hui.

Je crois et j’espère qu’à aucun moment il n’y aura besoin de solliciter les textes. D’eux-mêmes et sans commentaires, il nous apparaîtra qu’ils nous visent directement, qu’ils nous somment de prendre parti dans les grandes questions qui divisent nos esprits.